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Posté le 17 novembre 2009 dans presse / textes -> lien permanent
Laura Bayod :
Jacques Perconte Et UISHET, To Be Continued

Cet article a été publié par Laura Bayod à  la suite de la conférence du 28 Octobre à  l’Observatoire des nouveaux médias. Retrouvez le sur le site original : Jacques Perconte et UISHET, to be continued.

Chronologiquement les travaux de Jacques Perconte sont des expérimentations successives. Ce qui le pousse à  faire, ‟à  bricoler ou bidouiller”, à  chercher jusqu’où aller. Soumettre les images à  diverses expériences, en cherchant dans ces déformations ce qui convient pour l’oeuvre, et ainsi constituer au fur et à  mesure du temps un vocable formel qui lui est propre. Et s’il n’a de cesse de chercher, c’est pour trouver une picturalité à  l’image numérique. Paradoxalement puisque picturalité renvoie à  peinture et que l’image numérique serait par définition immatérielle. C’est là  tout l’intérêt de creuser ce paradoxe et mettre en question le statut de l’image.
UISHET (http://uishet.technart.fr/) est une traversée en barque, un travelling sur rivière et un film numérique en couleur. Quand Jacques Perconte présente cette oeuvre, il dit penser son travail à  la manière du peintre, ou plutôt dans une métaphore du travail du peintre. UISHET présente une avancée dans le paysage, un ‟espace purement optique” selon les mots de Deleuze. Nous sommes dans l’image-temps, opposé à  un cinéma d’action. A cet égard, une mise en parallèle avec le paradigme impressionniste semble pertinente. Saisir les transformations du paysage en travaillant sur le motif, en sortant de l’atelier c’est ce que fait le vidéaste en se rendant dans les Landes, avec sa caméra pour filmer le courant d’Huchet.

‟La question de savoir si le cinéma est à  même, par sa spécificité technique, de rendre compte de la grandeur de la peinture, de sa matière et de sa densité, n’est plus réellement à  l’ordre du jour : d’une part, le cinéma comme art de l’image peut être lui-même créateur d’une picturalité originale, créative et inédite […] ; d’autre part, si le cinéma rend hommage à  la peinture, c’est en tant qu’art autonome et non en tant que copiste ou “faussaire”.” Patricia-Laure Thivat in Ligeia, n° 77 à  80 : Peinture et cinéma Picturalité de l’image filmée, de la toile à  l’écran, Ouvrage Collectif / Association Ligeia, 2008.


L’image numérique rompt avec l’esthétique et la stylistique de la peinture, pour atteindre une picturalité nouvelle. Ici, au fil des déformations insufflées aux images, le film passe de la figuration à  l’abstraction. Et grâce à  la durée filmique, nous assistons aussi aux mouvements, étapes de cette transformation mouvante, nous sommes au coeur d’un processus qui se déroule dans le temps. Cette picturalité nouvelle tient de la ‟mauvaise qualité” induite par les différentes compressions que Jacques Perconte fait subir, inlassablement, aux images. On joue ici des défauts des technologies, et c’est dans la perte d’informations informatiques que se crée un nouveau type d’image (pixellisation et flou).

‟(…) Ces décalages commencent néanmoins à  être perçus non pas comme des insuffisances du médium, mais comme une matière à  exploiter par des artistes sensibles aux propriétés du matériau.” CALIANDRO Stephania ‟Les défaillances artistiques: comme matière artistique”, in Protée, Vol.32, n. 2, 2004.

Dans le même temps, il y a donc un processus paradoxal de ‟perte et découverte des images”. De même, ce nouveau paysage naît à  la fois de l’image originelle que de ses transformations, l’artiste et ses interventions en sont le révélateur. Nous pouvons penser au film Decasia : the state of decay(USA, 2002), de Bill Morrison, différent par la technique (found-footage de photogrammes argentiques) travaille du côté de la destruction/apparition par le montage d’extraits de films en décomposition. Chez Morrison, cette décomposition est produite par le temps de façon involontaire et la dégradation est ancrée dans la pellicule; chez Perconte évidemment, les altérations sont des simulations volontaires. Chacun jouant de la dégradation comme ‟ matière ” artistique ”.

La post-production de Perconte se pose en opposition avec la recherche de perfection (imitation, hyperréalisme, détails…) que l’on veut faire porter aux technologies numériques. Car l’important n’est pas là .
Dans son livre La technologie dans l’art, Edmond Couchot montre que le scandale et bouleversement qu’a donné lieu l’impressionnisme et le néo-impressionnisme, qui s’emploient à  montrer par leur pratique picturale ‟comment fonctionne la machine-oeil dans la vision des couleurs”, aurait pour conséquence de mettre le regardeur dans une position active. ‟Regarder une peinture impressionniste, c’est la recréer mentalement et jouir de cette recréation”, ici, le regard est amené à  suivre les mouvements et les transformations de l’image même. Observer sa fragmentation.

En ce qui concerne la médiation du travail de Jacques Perconte, le projet toujours en cours est présenté sur le site de l’artiste, le réseau lui ouvrant de nouvelles perspectives. Ainsi, on peut suivre l’historique, de l’avant-projet aux différentes étapes, aux réactions, idées de l’artiste par rapport à  son travail. Ceci, sous une sorte de journal daté, de prises de notes dans un carnet. Le réseau nous invite donc à  nous intéresser au processus, et aux à -côtés de l’oeuvre close. Il nous permet de suivre l’artiste dans ses raisonnements divers, de la technique pure à  une recherche d’ordre esthétique et théorique face à  son oeuvre. De comprendre aussi cette logique expérimentale qui sous-tend son travail, et qui s’exprime encore ici sous la forme écrite.

Laura Bayod
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