Au départ, avec ce projet, je voulais travailler le trait de Michel, de son dessin et voire quelles pistes s’ouvraient dans mon approche de la matière de l’image quand la ligne traversait la page. Quel rapport allait se mettre en place entre l’image, l’histoire que nous écrivions et la matière même du support. La première étape de la post production a été la fabrication d’un ours î une maquette d e montage qui allait permettre de trouver le bon rythme entre les mouvements.
Ensuite le film a été compressé plusieurs fois, dans un sens puis dans l’autre, j’ai continue en suivant mes impressions si telle ou telle partie de l’image semblait se transformer de manière intéressante, alors je l’isolais et ajustais les paramètres pour aller plus précisément vers ce que je voulais. Ainsi de suite, les versions se sont additionnées les unes aux autres, les composites (superpositions de versions des films découpés sur certaines zones) se sont empilés…. J’ai suivi une fausse piste pendant un moment en m’attachant à ce qu’il pouvait y avoir comme lien entre les déformations dues à la compression et à la peinture comme je l’ai fait avec mes films sur le paysage. Je savais plus ou moins que je ne garderai pas ces images mais cela m’a permis d’aller plus loin dans certaines techniques. Ma démarche expérimentale repose sur ce genre d’aventures plastiques que je suis sur certains projets tout en sachant que je ne les retiendrais pas parce qu’elles ne concernent finalement pas ce que je suis en train de faire. Je les considère comme des notes et je les archive.
J’ai décidé à un moment de remplacer le fond statique de toutes les images î qui était blanc et sur lequel nous avions l’ombre de la main de Michel qui dessinait î que j’avais volontairement gardée pour l’exploiter. J’ai fais un scan très haute résolution d’une belle feuille de papier avec du grain, un peu vieillie et j’ai animé ce papier de telle sorte, que tout au long du film on ait l’impression que le font se déplace en fonction du mouvement interne du sujet : quand le trait se dessine, on a l’impression que la pointe du stylo tire le papier quand le bonhomme bouge, on à l’impression qu’il glisse sur le papier, ou que le papier est un décor lointain et qu’il existe un rapport de perspective entre eux.
J’ai poussé le travail dans l’unique direction de ce que le trait, et le fond avaient comme spécificité une fois compressés, une fois l’image abimée et réduite : quelles étaient les formes résumées des signes visibles ? Je joue avec la compression psychovisuelle des codecs î divX, 3ivx, Xvid î que j’utilise. L’image quand elle est compressée est réduite selon certaines règles de psychologie visuelle : certaines zones, certains éléments sont plus importants que d’autres…
Ainsi j’ai composé des images en arrangeant des zones compressées et d’autres moins compressées sur différentes couches, en intensifiant les données de couleurs parasites qui apparaissaient accidentellement dans les blanc ou sur les taches sombres du papier, en mettant au premier plan les structures internes de l’écho des formes qui se répartissait sur la continuité du film.
Au final, dans cette version qui n’est peut-être pas la dernière, on a l’impression que le trait déchire la matière numérique de l’image, que comme un chasse neige ou un bateau, lorsqu’il avance il pousse devant lui et sur les côtés des éléments. Ici les formes semblent déjà écrites, il y a des sortes de fantômes qui anticipent le passage du trait, l’image se fait et se défait en donnant des informations sur sa composition secrète.
J’avais envie de faire un film ou le dessin, le trait, l’histoire qui se mettait en place raconteraient aussi discrètement l’histoire de l’image qu’on voit. L’image se déplie. C’est une aventure plastique, le résultat est un jeu de couleurs de mouvements, de clins d’oeil à différents niveaux…