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Posté le 20 mai 2000 dans au fil des projets, Chi Ocsha -> lien permanent
Extrait Du Scénario

Séquence 001 î

Extérieur | jour.

France, Bordeaux, fin d’après midi, Appartement d’Artemisia.

- Artemisia, 20 ans, en tailleur noir.

- Petar Petrovic, 46 ans, en costume.

- Le chauffeur de Taxi.

- Quelques passants.

- Des voisins.

Une rue assez calme, seuls quelques piétons s’y tiennent. Un taxi s’arrête devant une très belle porte en fer forgé au pied d’un immeuble luxueux. Le chauffeur descend, fait le tour du véhicule et ouvre la portière à  Artemisia. Elle descend lentement et reste devant la voiture. Le chauffeur va sonner à  la porte de l’immeuble puis revient vers la voiture, ouvre le coffre et en sort une valise de taille moyenne, il l’amène vers la porte de l’immeuble.

Une voiture arrive derrière le taxi. Petar Petrovic, le gardien, sort, et se dirige vers Artemisia qui se met à  marcher vers l’entrée.

Il lui donne les clefs.

Artemisia entre et va tout droit, elle arrive devant une autre grande porte dont elle a la clef. Elle ouvre et passe à  travers un petit couloir qui donne sur une pièce remplie de cartons, l’appartement semble très lumineux. Artemisia prend son temps et regarde autour d’elle. Petor arrive. Il a la valise, il la lui donne.

(En français)

Artemisia Je n’aime pas passer des semaines à  chercher où je vais m’installer quand je change de ville ou de pays.

Alors je ne me déplace pas, je m’en remets à  une agence italienne qui s’occupe de chercher ce que vous vous voulez où vous voulez et au meilleur prix possible.

C’est la quatrième fois que j’ai recours à  eux, et à  chaque fois, ils m’ont trouvé des lieux extraordinaires.

Cette fois-ci, je leur ai demandé de me dégoter un appartement à  l’abri du bruit, je le supporte de moins en moins…

Je n’aime pas les vieux meubles, pour être au calme, il faut que je sois dans un espace qui ait le moins d’histoire possible, alors je ne vis que dans du neuf.

J’essaie de faire en sorte que dans tous les appartements ou maisons où je vis un certain moment, tous les meubles soient toujours organisés de la même façon, comme cela je m’y déplace aisément même dans le noir le plus complet.

J’ai besoin de faire le vide.

J’essaie d’avoir le moins de relations possibles avec les gens qui m’entourent temporairement, moins ils me connaissent, mieux c’est, comme ça chacun reste tranquillement à  sa place, j’ai horreur des gens qui se transforment en parasites et qui se mettent à  dévorer votre temps.

Je rencontre des gens quand j’en ai besoin, c’est comme ça que je vis.

Mon métier me demande beaucoup de recul, de sérénité, il n’est pas question de s’emballer.

(En Anglais)

En Italie, j’ai quitté une petite ville très calme, où il n’y avait presque rien, où tout était très beau, j’ai pas mal flâné là -bas, je me suis posée et j’ai lu, beaucoup lu. Je me suis rappelé la Yougoslavie, et j’ai voyagé à  travers sa littérature : Zlatarovo Zlato, Seljacka buna…

(En Français)

En fait, cela faisait longtemps que je n’étais pas revenue en France, peut-être trois ou quatre ans.

C’est assez étrange le rapport que j’ai avec ce pays. Je ne sais jamais comment l’aborder. Tout à  l’air si défini et posé. Je ne crois pas que je pourrai passer ma vie ici.

Artemisia ne lui répond pas, mais lui sourit. Elle défait la veste de son tailleur et la pose sur la seule chaise qui est totalement déballée. Elle prend sa valise et en sort un ordinateur portable, elle l’installe par terre, le connecte à  l’électricité et à  son téléphone portable, elle le démarre.

Elle se retourne vers Petor qui est en train de partir, il ferme la porte derrière lui. Artemisia ouvre sa valise, dedans il y a cinq pistolets argentés arrangés dans un étui de velours.

Séquence 002 î

Extérieur | jour.

Angleterre. Centre-ville, dans le bus.

- Artemisia, 20 ans.

- Laura, 9 ans.

- Tom, 10 ans.

- Un homme d’affaire.

- Des passagers.

Dans le bus, Laura et Tom s’amusent, ils sont assez turbulents, les gens les regardent d’un mauvais oeil, comme s’ils dérangeaient tout le monde.

Le bus s’arrête, les portes s’ouvrent, deux femmes, un jeune homme ainsi qu’un homme d’affaires montent, personne ne descend, parmi eux, il y a Artemisia. Elle entre doucement et va s’installer.

Elle se tient assise presque au fond du bus, elle regarde ses pieds, habillée comme une fillette de vingt ans qui revient des cours. Il y a beaucoup de bruits, les gens ne discutent apparemment de rien, ils font simplement du bruit. Artemisia lève la tête. Elle regarde vers l’avant du bus, son regard est très pointu, son visage ne laisse rien paraître, maintenant, elle ne ressemble plus à  une petite fille.

Sous le pull qu’elle a dans les mains, elle tient un de ses Smith&wesson équipé d’un silencieux, elle vise très discrètement un homme qui se tient à  l‘avant du bus.

Le bus freine très violemment.

Elle tire une fois à  travers les sièges, l’homme qui était devant elle est projeté en avant par la force de la balle qui vient de le transpercer pour aller se loger dans le bas de la tête de sa cible. Personne n’a rien vu, dans la panique du freinage, tout le monde a focalisé sur le bus, elle a changé de place…

C’est la dernière des personnes présente que l’on pourrait suspecter. Quelques secondes après les coups de feu, l’homme s’écroule. Les gens ayant remarqué le carnage se mettent à  crier ou à  descendre du bus.

Artemisia descend, et disparaît dans la foule.

La police arrive.

Artemisia ne se retourne pas.

Séquence 003 î

Extérieur | jour.

Ex-Yougoslavie. En bordure d’une ville.

- Artemisia, 19 ans.

- Igor Stevan, 41 ans, treillis foncé.

- Des miliciens.

- Des habitants.

- Quelques résistants.

La ville ne ressemble plus à  un champ de bataille. Dans un quartier maîtrisé, Artemisia court vers un groupe de militaires et de civils à  l’abri dans une petite cour. Elle s’adresse à  un des militaires.

(En Serbo-croate)

Artemisia Que se passe-t-il, pourquoi, ce rassemblement ?

Nous devons remonter le plus vite possible vers le front, il ne faut pas que nous perdions la situation de pression que nous avons réussi à  mettre en place, il ne faut pas qu’ils aient le temps de se réfugier dans une autre ville.

Le militaire On a fait sauter leur dernière position il y a cinq minutes. Igor et quelques-autres ne veulent plus se battre, Danilo est mort à  cause d’un journaliste qui l’a empêché de se dégager à  temps.

Le journaliste est mort lui aussi. Ils en ont marre de risquer leur vie aussi loin de leurs familles.

Artemisia Il ne faut pas s’arrêter de se battre, nous reprendrons les villes une par une, et vous réunifierez votre pays…

Un milicien Tu veux quoi ? La moitié des gens ici veut retourner près des siens. Moi le premier. On a cette ville, on a plein de villes. C’est largement suffisant… Et puis ce n’est pas ma guerre.

Artemisia se tient debout, un fusil automatique à  la main. Igor et ses compagnons se rapprochent du groupe, ce sont des vétérans de ces guerres qui déchirent les balkans. Artemisia pénètre plus dans le groupe, elle marche en direction de Igor.

Artemisia […] Une ville peut toujours être encerclée, ses voies d’accès, aussi bien les métros, les égouts, les remblais être bloquées, et la population être strictement contrôlée à  partir d’un découpage urbain en maisons, blocs, quartiers, etc., dà»ment numérotés et surveillés par des îlotiers…

Mais le soutien populaire reste, même s’il peut être étouffé…

Souillé par une méfiance…

La résistance oscille entre une clandestinité stérile et une violence débridée où les insurgés risquent alors d’être facilement localisés, cernés et détruits.

La ville est un piège !

Ce n’est pas là  qu’il faut se battre !

Mais il faut se battre.

Igor s’approche d’Artemisia, il lui tend son arme. Il la regarde d’une façon très dure. Les hommes derrière lui se rapprochent aussi.

Igor Je ne veux plus me battre, Vathek, je ne veux plus me battre.

Je ne veux plus défendre cette idée de pays…

Elle est morte depuis longtemps, les nationalistes l’ont tuée. Je ne veux pas défendre l’Etat de qui que ce soit, qui porterait le nom d’entre nous par détournement d’héritage. Je suis croate, c’est mon histoire…

Mais j’ai toujours vécu ici.

Artemisia avance vers lui, elle le regarde droit dans les yeux. Il ne faiblit pas du regard et remonte son arme entre elle et lui.

Artemisia Il n’est pas question de lutter pour une idéologie, mais de faire taire ces politiques qui ne veulent pas de vous. Et de sentir cette liberté…

De poser une image de votre pays qui n’est pas celle que les gens connaissent, vous ne vous battez pas pour des ruines !

Igor Non, mais cela ne finira jamais, il y aura toujours de gens comme toi, ou des politiques véreux… dont l’intérêt ne sera pas forcément le notre, et qui essaieront de nous préserver du bonheur… pour que l’on serve leurs causes.

Un milicien En attendant nous sommes là , et c’est pour vous que nous risquons nos vies.

Igor Qui vous paie ? Vathek ? Qui vous paie ? Ce n’est pas nous et pourtant vous vous battez depuis longtemps à  nos côtés. Pour qui ? Vous nous avez montré beaucoup de fois votre loyauté… Mais Vous ne nous répondez jamais.

Séquence 004 î

Intérieur | nuit.

France, Bordeaux. Appartement d’Artemisia.

- Artemisia, 20 ans.

Artemisia est allongée par terre près de sa télévision sur son tapis tout neuf, elle est devant son ordinateur, elle chatte sur irc avec un jeune bordelais en même temps qu’elle feuillète un catalogue de chez ikea.

A la télé passe un documentaire sur les techniques de communication de la publicité et les théories qui en découlent : l’exemple sur la publicité pour les pâtes italiennes de Roland Barthes.

(En Français)

La télévision : Roland Barthes ne fait que peu de place au message plastique dans sa rhétorique, mais il existe, et par sa compréhension on peut mieux comprendre les deux autres messages. Le message plastique regroupe les éléments formels et matériels de l’oeuvre.

On distingue quatre signes. Le premier signe serait le signifiant. L’ensemble de la composition. Une connotation faisant appel au savoir collectif, qui est souvent partagé par les personnes à  qui s’adresse l’oeuvre.

le second signe est aussi une connotation, mais faisant cette fois appel à  un savoir collectif plus particulier, spécifique à  une culture, l’italianité.

Par contre, le troisième signe est une dénotation, il pourrait mettre en valeur les relations entre signifié et le signifiant.

Le quatrième signe est une connotation dans l’histoire des images, il peut nous rappeler un genre pictural très précis. Ce signe fait appel à  une connaissance très loin du savoir ménager, il n’est donc pas perceptible par tout le monde.

Elle donne rendez-vous à  un garçon qui n’habite pas très loin, elle éteint tout, se lève, se change vite et s’en va.

Séquence 005 î

Extérieur – Intérieur | nuit.

France, Bordeaux. Un petit bar.

- Artemisia, 20 ans.

- Bruno, 23 ans.

Artemisia arrive devant un petit bar très sombre, quelque chose plongeant dans une forme d’intimité abstraite. Un garçon assis dans le fond la regarde et lui fait signe. Elle s’approche de lui et s’assied.

(En Français)

Bruno Bonsoir, ça va ?

Artemisia Oui merci et toi ?

Cela fait longtemps que tu es arrivé ?

Tu as commandé quelque chose ?

Bruno Non, je t’attendais. Qu’est ce que tu prends ?

Artemisia La même chose que toi…

Bruno Ca Fait longtemps que tu vas discuter sur irc ? Qu’est ce qui t’y plait ?

Artemisia Ca fait longtemps…

On ne va pas parler d’irc, c’est quand même une alternative assez décevante pour une première discussion face à  face non ?

Bruno Oui… On parlait de quoi toute à  l’heure ?

Artemisia De rien, c’est pour ça qu’on est là .

Bruno tu disais que tu venais juste de t’installer à  bordeaux… tu viens d’où ?

Artemisia sourit. Le serveur passe, il prend les commandes : un gin tonic pour Bruno et une tequila agrémentée de mescal pour Artemisia.

Artemisia Oui… Je viens d’Amérique Latine.. mais il y a quinze jours j’étais en Italie…

Il y a un mois et demi, j’étais en Grèce, avant en Angleterre, je n’arrête pas de bouger, c’est mon métier…

Je suis ici pour deux ou trois mois au plus, je pense que je vais prendre quelques vacances.

Bruno Wouah… Et t’es payée pour voyager, je veux faire la même chose.

Artemisia Je ne pense pas que tu aies le bon gabarit.. Ni la bonne histoire. Je voyage autant parce que je passe inaperçue dans un pays étranger, je parle beaucoup de langues… et puis j’ai toujours fait ça…

Tu sais, être tout le temps en déplacement demande que tu n’aies pas d’attaches… aucune… Il faut aimer rester seul.

Bruno boit son verre tranquillement en écoutant Artemisia.

Artemisia En Italie, j’ai du parler à  deux ou trois personnes en un mois. J’ai passé mon temps à  lire ou à  travailler. A m’enfermer pour ne pas laisser s’échapper toutes ces choses qui s’offraient à  moi. Je me suis promenée dans des endroits fabuleux, et d’ailleurs, la société qui m’emploie va y installer un hôtel… J’ai découvert une petite vallée, quelque part pas très loin de là  où je m’étais installée en fait, c’était un lieu vraiment impressionnant par le calme et la douceur qui y régnait, et il y avait une petite église, envahie par la végétation, elle avait du brà»ler, il ne restait plus que la pierre, elle était entourée d’oliviers… à  cinquante mètres de là , on entendait un petit ruissellement, je suis allée me tremper dedans…

Séquence 006 î

Intérieur jour.

France, Bordeaux. Maison de la première victime.

- Artemisia, 20 ans, en tailleur gris clair.

Artemisia se tient dans la chambre de Victor et Natasha Olgan. Elle se ballade lentement, frôlant les murs, elle a un tout petit appareil photo, elle fait et refait le chemin qu’elle empruntera pour exécuter ses victimes.

Séquence 007 î

Intérieur jour.

France, Bordeaux, fin d’après midi, Appartement d’Artemisia.

- Artemisia, 20 ans, en treillis vert et t-shirt blanc.

Artemisia accroche des photos à  son mur, ce sont celles de Pierre Canaquanne. Elle les organise et entoure son visage en rouge sur certains clichés. Elle accroche une carte du centre de Bordeaux agrandie et photocopiée.

A la télévision les informations.

La télévision : Samedi après-midi, accompagné d’un soldat français de la force multinationale au Kosovo (KFOR), elle a parcouru l’étroite passerelle de bois en ignorant la menace d’éventuels snipers, pour aller faire les courses pour sa famille de l’autre côté de l’Ibar, sans passer par des quartiers serbes.

Construite par les Français de la KFOR, qui l’ont mise en service vendredi, la passerelle a changé la vie des familles albanaises qui vivent dans trois tours d’habitation situées sur le bord de l’Ibar, dans la partie nord de la ville, où la population est majoritairement serbe.

Sevdije Citaku et sa famille avaient fui leur appartement, comme un millier d’autres Albanais, après une flambée de violence inter-communautaire qui avait fait au moins dix morts et des dizaines de blessés en février.

En mars, les Citaku sont revenus, mais dans un blindé de la KFOR. La force multinationale veut assurer le retour progressif dans leurs foyers, sous protection armée, d’Albanais qui ont quitté le nord, puis de Serbes qui ont fui le sud.

L’enclave où vivent les Citaku est maintenant entourée de fils de fer barbelés. A leur retour, plus d’une centaine de militaires protégeaient les Albanais contre une foule de Serbes qui leur lançaient des pierres.

« La passerelle est la bienvenue, mais nous espérons qu’un jour nous pourrons traverser l’Ibar en passant par le pont central, en voiture », déclare Sevdije Citaku.

 

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