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Posté le 1 janvier 1999 dans Chloe, écrits / notes -> lien permanent
Il Est Question De Quoi (Chloé) ?

Ce projet à  vu le jour en décembre 1997. Il était alors simplement question d’écrire un film, sans vraiment penser à  le réaliser. Mais au cours de son écriture, puis de sa production, ce projet a muté.

Si c’était l’histoire d’un film qui s’inscrit dans une autre forme, qui elle ne repose sur aucun support, mais qui se déploie autour de moments partagés par les acteurs. Et tous les protagonistes de cette histoire.

1/ le film.tournage /expérience

C’est l’histoire de quelques personnes qui se croisent. Trois mouvements. Trois moments d’une histoire séparés Chloé, une jeune fille d’une vingtaine d’années rencontre Egon à  un concert. Elle le séduit et le quitte au petit matin. Chloé, une jeune fille d’une vingtaine d’années est l’image des phantasmes de Egon, il se perd dan ses cauchemars, il ne les assume pas. Chloé, une jeune fille d’une vingtaine d’années vit avec Egon, il passe son temps à  boire avec ses copains, le couple tend vers la séparation.

Au fur et à  mesure de son écriture et de son évolution, Chloé est devenu une espèce d’expérience performance dont le résultat-film n’est qu’une partie de la finalité. Au départ, c’est vrai que ce n’est qu’un long métrage, mais il s’est déplacé dans une démarche plus large. Il s’est ouvert. C’est un film de temps, sur le temps, une histoire d’histoires et de souvenirs. Le processus de fabrication fait partie intégrante du travail, le tournage, la production, toutes les étapes de la fabrication essayent de répondre à  cette ouverture par une très grande liberté de modulation, l’empirisme l’emporte, on va faire du mieux possible, mais en acceptant certains compromis. Certaines parties du film ne répondent pas à  ces critères car elles ne peuvent pas exister dans l’approximation, elles évoluent dans la manipulation, d’autres les dépassent sans que l’on puisse les contrôler, elles glissent vers le jeu, elles quittent toute fiction.

Mais c’est aussi une série de questions permanentes. Qu’est ce que je fais, quel est le degré de pertinence de cet acte, de cette partie, de ce plan, de ces moments ? La mise en question des choix face aux situations permet de garder le film ouvert au changement, aux modulations. Même si la majeur partie de ces questionnements est trop postérieure aux actions pour les influencer ou les modifier, cela permet de tirer des enseignements et de les mettre à  profit, de les retourner dans le film, de rapprocher le récit de la réalité de l’action, de la réalité du tournage. On va corriger le film pour qu’il soit le moins distant possible, c’est normal qu’il s’éloigne, mais il doit se rapprocher le plus possible. On va travailler l’affect du spectateur en discutant avec lui et non en lui racontant quelque chose.

Dans un travail de plasticien, on rencontre assez souvent des démarches croisées, ici ce sont les intentions qui se croisent en mélangeant des pratiques qui se servent des mêmes sources dans un but commun : construire du temps, le filtrer. Le fond et la forme, l’histoire et son visuel sont deux expériences parallèles mais décalées. Elles ne vont pas à  la même vitesse et ne s’accordent quasiment jamais, ce qui permet de rester collé à  l’une ou à  l’autre. Les propos sont très formels, cependant une certaine de poésie vient se coller à  ces structures ouvertes. Les gens ne se pressent pas. Ils vont presque tous tout le temps à  la même vitesse, ils sont lents. Mais la forme vient moduler cette lenteur, le découpage va imposer le rythme, mettre l’image en mouvement. Certains plans de ce film sont des photographies, le temps y est gelé. Ce sont de simples pauses, d’autres, sur le schéma du plan séquence sont des bouts de temps intègres. On les juxtapose, on morcèle les actions ou on les étire… (Bergson…)

Le film, c’est du jeu, du faux, du film. Il est important qu’il ne prenne pas trop de distance par rapport à  ce qu’il est, sinon, il ne sera rien d’autre qu’une histoire. Il est juste que le ton soit entre la lecture et la magie suivant les parties. Elles se placent sur différents niveaux de notre sensibilité et s’articulent comme un texte. Le film oscille entre le vrai et le faux vrai. Entre le jeu (game) en tant que situation entourée de règles préétablies dont le but est d’atteindre un objectif précis sans enfreindre le mode de progression et le jeu (play) ou ce sont les acteurs et les évènements qui font le film dans leur interactions. Ils vont se positionner dans une situation et se laisser aller à  leur sensibilité. De nombreuses séquences de ce film sont prévues à  cet effet. D’autres vont permettre aux acteurs de placer leurs personnages dans des lieux et des actions qui leur sont laissées libres de choix. Libre à  eux aussi de rajouter des scènes, de préférer les jouer en riant ou en pleurant, de glisser sur des mots, des émotions, c’est eux qui font. Le rire ²est quelque chose de très important, il permet d’éviter les écueils de situations qui ne sont pas forcément cohérentes dans un absolu négatif, c’est à  dire dans des situations où les personnages évoluent enfermés et clos à  leurs univers. Le rire permet de lier et d’articuler, c’est la fonction positive, la dissolution la plus intense du temps, à  l’inverse de l’ennui. Seulement il ne vient pas forcément quand on l’attend. Des fois il vient tout simplement faire les choses (la rencontre entre Egon et Chloé). Le rire c’est peut la forme d’affirmation la plus intéressante quand on veut parler de temps, c’est une appropriation franche et directe d’un évènement, c’est une réaction, une réponse.

Le fait que le film offre à  la lecture aussi bien ce que le spectateur attend que des choses qui vont le heurter dans sa position semi-passive de regardeur le pousse vers une affirmation de son état de chose fictive jouée par de vrais gens. Cette dualité va doubler la temporalité du film, puisqu’à  celle de l’action vient s’ajouter celle du jeu. Le film n’est pas un discours. Il y a trop de films qui paraissent insaisissables de par leur froideur et leur distance. Ils ne se pensent pas. Chloé, c’est un souvenir, traité comme tel, avec des erreurs, avec des retouches, avec des oublis, avec des longueurs. On s’attarde sur ces moments, on les vit.

"[...] C’est une histoire, une belle histoire. Une suite de petits moments, de souvenirs, qui ne s’estompent pas, simplement parce qu’ils sont ancrés au plus profond de nous, et que rien ne peut les effacer.

Des fois ils disparaissent quelque temps puis, ils reviennent nous réchauffer l’âme quand quelque chose nous manque.

Ces images existent.

Ces moments existent. Mais tout ca ne vit plus que dans mon petit coeur.

Et si je l’écris, c’est pour y repenser.

Pour les réinscrire dans ma vie.

Pour les revivre."

Chloé, S.15b, 1

Tout ce qui se passe autour du film est réinjecté dans cette expérience, c’est ce qui la fabrique, et ces informations, ces souvenirs vont nourrir des fonds de textes et d’images qui serviront des installations, des séries de photogrammes, des sites sur les réseaux, des notes, des discussions qui à  leur tour seront réutilisés à  d’autres fins.

Une autre particularité de ce film est d’être une vraie expérience relationnelle puisque la plupart des gens qui s’investissent ne se connaissent pas ou peu. De plus, les deux acteurs se rencontrent vraiment au rythme du film. Ils font connaissance dans les rapports de leurs personnages. Ce qui se passe entre eux influe le comportement des personnages. Le film se réécrit avec eux. Ce n’est pas eux qui jouent, mais les rôles qui se personnalisent de leur propre initiative, naturellement, en suivant le court du film.

2/ le film.support

La seconde particularité de Chloé est la façon que ce film a de se nouer au support. Le film numérique, le montage, les effets, rien ne sépare l’histoire de la matière où elle s’inscrit.

Toutes les images seront " ré î exprimées " sur le film. Les éléments graphiques, les articulations, les reformulations qui seront organisés dans l’histoire vont transformer le film en un essai de langage numérique. Le support raconte l’histoire, c’est une histoire de temps, un travail sur l’image elle même, les personnages se rencontrent, se heurtent, s’expriment dans des rapports au temps différents, ces rapports sont le sujet du film.

Le médium numérique permet une très grande souplesse de travail au montage comme au tournage. La seconde partie très importante du travail est la post-production.

L’image ne doit pas être l’excuse d’effets visuels, mais le moyen de travailler le langage qui se déploie tout le long de Chloé. Les effets permettent de distancier ou au contraire de rapprocher le spectateur des éléments qui constituent sa perception du film.

Chloé se veut être un film qui sera plus proche d’une interface multimédia que d’une proposition cinématographique. L’image est textes, icônes, dessins, directions …

Les photographies prisent pendant le tournage seront incluses dans le film, toutes les prises serviront.

C’est le premier film d’une série de travaux sur le cinéma vidéo. On traite étape par étape, en travaillant l’incident comme une règle. On ne cache pas le tournage, on ne cache pas le jeu, on ne cache pas les erreurs (sans pour autant les provoquer).

Chloé, c’est une expérience de la durée, cela fait un peu plus d’un an que ce film a une histoire. Il prend forme, se modifie beaucoup. La seule chose à  dire c’est merci à  tous ceux qui le rendent possible.

 

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