Si je fais une recherche sur Evry, la première réponse de google est la carte (Yahoo me propose l’université)… Je suis déjà allé plusieurs fois à Evry. J’ai l’habitude d’avoir recours à des plans quand je vais quelque part. Depuis que les outils de cartographie satellite se sont développés, je m’en sers aussi assez fréquemment î plus souvent de Google maps que de yahoo maps, certainement par habitude. Donc très souvent je connais d’abord le lieu où je vais me rendre par ce que j’en ai vu du ciel. Je suis vite fasciné par ces images d’en haut. Je pense que l’effet est le même chez bon nombre d’entre vous. L’impression d’omniscience qui s’installe quand on navigue au dessus de la terre est très forte. Nous sommes certainement en train de changer nos rapports au paysage et à notre environnement.
Nos parents n’ont pas connu cette sensation de la compression du temps et de la distance. Nous changeons nos rapports parce que nous voyons beaucoup de choses, nous les voyons de trop près même. D’un endroit inconnu aujourd’hui, il est assez facile de trouver des cartes, d’avoir même une image satellite où les photographies de gens qui y sont déjà allés. Comme si il existait déjà une perception de tout, codée par la culture et la demande. Une perception codée, car il y a une culture de l’image, qui fait son écriture et qui dicte presque les images qui se font : quand on cherche des images d’un lieu, on cherche des images caractéristiques, des images qui répondent à une attente et entrainent une compréhension : des images d’une certaine façon générales, qui représentent ce que l’on ne connaît pas. Quand on fait des images d’un lieu qu’on découvre, une partie de ces images essaie de construire un souvenir intégral, général… Alors, avec une carte, une image satellite et des photos, quand on découvre un lieu qu’est ce qu’il se passe ?
Bien sur et heureusement la plupart d’entre nous n’ont pas ce rapport au paysage, mais… ou allons-nous ? La carte est assez répandue, mais il faut compter avec l’explosion de la consommation de GPS î beaucoup pour les voitures aujourd’hui î mais de plus en plus pour de piétons aussi, j’ai croisé des touristes qui marchaient au GPS dans le cimetière du père Lachaise. Il faut se rendre compte que les gens ont de plus en plus un rapport distancié avec leur environnement. Que permet le GPS ? Il aide à se positionner, à s’orienter, et à atteindre son but le plus intelligemment possible î selon sa logique écrite. Qu’est ce qu’il ne permet pas ? De se perdre évidement. Et même si la technique a des failles et qu’accidentellement, on peut s’égarer, il saura vite se rattraper car il sait se corriger. Il est assez intelligent aussi pour savoir ce qu’il y a à voir et où il faut manger. Mais qui est intelligent ? Il faut voir ce qui est instauré comme étant de l’ordre ce ce qu’il faut voir, ce sont des décisions relatives à un ordre qui n’est pas le notre. Il y a un marketing culturel derrière tout cela, encore plus quand il s’agit de consommer.
A propos des touristes que j’ai croisés au père Lachaise et qui avançaient par satellite, je me demande si les tombes qu’ils souhaitaient voir étaient marquées sur leur appareil : pour la tombe de Jim Morrison, tournez à gauche dans 50mètres. La tête vers l’écran entre les tombes. En exagérant, le lieu qu’ils visitent devient une zone sauvage où il y sa des trésors à trouver. Le jeu de la quête efface le paysage avoisinant. Je pense à la carte au trésor, c’est amusant l’analogie, le touriste ou le travailleur, perdu, qui regarde son GPS et où sa destination apparaît d’un signe au bout d’une ligne marquée sur un plan codé…
Sur google maps et Yahoo maps les images satellites que l’on consulte on généralement plusieurs années. Le paysage avec le quel on joue n’est plus celui qui est. Les impressions de vérité et d’immédiateté sont fausse î on navigue en temps réel, on a l’impression que maintenant c’est comme ça, non, on navigue effectivement à travers l’image à une vitesse proche du temps réel mais sur la terre à certains endroits, il y a cinq ans, seulement deux à d’autres, il y a dix peut-être à certains… en plus avec des qualités différentes, certains endroits sont très détaillés. On peut descendre à des échelles élevées, on peut presque voir les gens. Alors qu’à d’autres endroits, on ne peut voir la terre qu’à quelques kilomètres de distance. On peut se dire que ces différences de résolution (de définition) des zones est du au travail titanesque que cela représente, mais est-ce qu’il n’y a pas aussi des choix qui sont faits ? Est-ce que quand ils auront finit de compulser toutes les données et d’ajuster toutes les cartes satellites, on aura accès à des images très définies des grandes forêts, des champs, des océans ? Des endroits où il n’y a aucune valeur ajoutée ? Ou est-ce que le paysage se dessine ici par intérêt ?
Est-ce que certains ont perdu leur liberté face au paysage ? Est-ce que pour quelques uns il peut être difficile de passer quelques heures à marcher un peu nulle part comme ça, pour sentir l’air, sentir la terre ? Juste pour marcher ? Est-ce que pour ceux là , il est nécessaire d’aller à un endroit précis, pour quelque chose et que pour y aller il est important de prendre la route la plus courte ?
posté sur le blog du projet Entre ciel et terre : Evry Essonne