Draculea Românească î le Dracula des roumains – est une traversée fantastique emportée par le souvenir de deux histoires qui se croisent et se recroisent, deux grandes fresques, de ces récits qui font oublier et qui effraient, une véritable histoire de violence et de peur qui s’est disposée dans la réalité d’un moyen-age lointain puis dans des contes qui continuent à nous hanter.
La Transylvanie, les Carpates, au son du nom de ces contrées si mystérieuses, qui ne se laisse pas à imaginer les paysages fabuleux de ces terres où les vampires règnent sur les êtres vivants depuis si longtemps… Qui ne voit pas ces forêts de cyprès noirs plongées dans la brume des vallées et ces châteaux appuyant leurs remparts et leurs tours sur les bords de falaises à pic… Qui n’entend pas les hurlements des loups ?
La bibliothèque du British Museum de Londres recèle de vieux ouvrages décrivant les paysages et le folklore de ces contrées lointaines, de ces grandes plaines et ces montagnes de la Roumanie transylvanienne. Un magnifique voyage en bateau de Whitby jusqu’à Amsterdam puis en train par Munich, Prague, Vienne, Budapest à travers les images d’une fin de XXe siècle à la fois riche, romantique et pourtant si décadente, pour aller en terre roumaine à la rencontre de Dracula.
On n’emploie pas le mot ‘vampire’ avant le début du XVIIIe siècle, on l’utilise pour la première fois en Hongrie, dans un rapport des autorités autrichiennes faisant le jour sur le cas d’un paysan nommé Peter Plogojowictz, accusé d’être réapparu après sa mort et d’avoir causé le décès de huit personnes dans son village natal de Kizilova. A la même époque beaucoup de cas sont rapportés de toutes les campagnes d’Europe. L’Eglise qui dans un premier temps essaiera de recenser les faits sans y trouver de solution avant de prendre une position obscurantiste et de démentir l’existence de telles transformations.
Un vampire est un mort qui sortirait de sa tombe et irait planter ses canines pointues dans la jugulaire de sa victime pour absorber son fluide vital : le sang, ce qui lui permettrait de se régénérer perpétuellement et d’acquérir une quasi-immortalité, la victime devenant alors à son tour un vampire après d’atroces souffrances la menant à la mort. Selon les traditions populaires, il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles on risque de devenir un vampire (infection, inceste, malédiction, signes physiques particuliers…). Selon ces mêmes traditions, il existe des remèdes contre ces états (argent, ail, crucifix, pieux…). Le vampire est contraint de respecter des lois très strictes quant à sa vie : Il ne peut pas sortir de son cercueil avant le crépuscule, il est obligé d’y retourner dès le chant du coq, il ne peut franchir une étendu d’eau qu’à marée basse… Dans les calendriers populaires, de nombreuses dates sont encore marquées par ces légendes de vampires et de créatures infernales.
Sophocle au VIe siècle avant Jésus-Christ, fait prédire à Oedipe que son ‟ corps froid viendra sucer le sang chaud ” des tibétains après leur défaite. Dans la bible, on trouve trois références que l’on pourrait entendre comme étant des allusions au vampirisme. Moà¯se se défendait d’invoquer quelqu’esprit par crainte de voir les morts revenir à la vie, le roi David reprenait des forces en absorbant la chaleur de ses jeunes esclaves pendant leur sommeil, Lilith, créature redoutée et haà¯e dans la religion hébraà¯que suçait le sang des hommes. On retrouvera sans cesse des références dans toutes les cultures, le vampire est un mythe quasiment universel.
S’il eut jamais au monde, disait Jean-Jacques Rousseau, une histoire garantie et prouvée, c’est celle des vampires ; rien n’y manque : rapports officiels, témoignages de personnes de qualités de chirurgiens, de prêtres, de juges : l’évidence est complète.
Dans l’histoire, dans les religions, dans les mythologies, les folklores… On retrouve leurs traces partout, seulement le pays auquel on les associe si facilement est la Roumanie. Les traditions populaires roumaines sont très riches, on retrouve beaucoup de croyances qui font apparaître la présence de dits vampires tout au long de l’histoire. Il apparaît que ces traditions sont à la base du mythe romantique que nous connaissons et que ce sont celles-là mêmes qui ont inspirées le Dracula formalisé et immortalisé par le roman de Bram Stoker.
Une grande partie de l’action de son roman prend place Londres et à Whitby, en Angleterre. On peut encore se laisser aller à travers les décors dans lesquels ses héros ont nourri le mythe. Ils sont pour la plupart devenus des lieux de culte ou l’on se rassure des icônes classiques. Whitby plus que Londres est devenue un lieu de Pèlerinage dédié où les lieux ont été particulièrement aménagés pour saisir les fans dans leurs attentes d’exotisme.
Les premiers textes littéraires largement diffusés et ayant un certain succès s’inspirant des vampires datent du XVIIIe siècle. Le romantisme courant du siècle suivant et la collaboration de grands écrivains comme Lord Byron, Mary et Percy Shelley ont permis aux vampires de devenir de véritables héros de romans. Baudelaire se servira aussi de ces inspirations pour écrire les métamorphoses du vampire dans les fleurs du mal. Joseph Sheridan Le Fanu sera le premier à ouvrir une nouvelle voie dans le genre avec Carmilla peu avant que ne paraisse le livre de Bram stoker qui donna naissance en 1897 au plus célèbre des vampires : Dracula.
De la frontière roumaine à Bistrita, on traverse les premiers plateaux des Carpates et puis on pénètre dans une des plus anciennes cités saxonnes du pays à la recherche de l’hôtel de La Couronne d’Or avant de reprendre la route et de s’aventurer vers le col de Borgo vers ce château qui n’existe peut-être pas.
Sur tout le territoire de la Roumanie on trouve des dizaines de hordes de loups. C’est un pays où ils ont toujours vécu près des hommes, aujourd’hui on peut les croiser au petit matin quittant les rues des villes pour regagner les forêts. Ils n’ont jamais été domestiqués et font partie intégrante des légendes locales. Le loup, porteur de la rage, tueur de mouton, si rusé, si violent – avec la chauve-souris et le rat î est la forme que prend le vampire pour se déplacer sans que l’homme ne s’approche de lui et sans qu’il ne s’enfuie.
En 1978, Orson Welles disait en se confiant à Peter Bogdanovich : ‟ Savez-vous ce qui ferait un bon film ? Dracula, personne ne l’a vraiment jamais réalisé. C’est le roman le plus beau et le plus terrifiant. Dieu, c’est une merveille ! Mais ils n’y ont même pas pensé ! Ils ne l’ont même pas lu !
Bram stoker a choisi les yeux et le coeur de Jonathan Harker pour faire découvrir son Dracula aux lecteurs. Ce jeune Anglais de la haute société a pour mission de traverser l’Europe pour aller à la rencontre de ce personnage qu’il ne connaît pas. Il va voyager à travers des décors extraordinaires en passant par les plus belles villes longeant le Danube lors de son voyage en train vers le fin fond des Carpates, vers le conte Dracula.
Jonathan Harker, parfait portait du jeune bourgeois victorien se rend en Roumanie, à l’abri de tout, protégé pars sa culture et ses manières, il s’avance dans ces contrées sauvages les moins connues d’Europe à la rencontre d’un acheteur : Le conte Dracula. Jonathan lui présente ses découvertes, quelques lieux londoniens dans des endroits très précis exigés par le conte, il s’interroge sur ce curieux ôte qui semble venir d’ailleurs et qui vit si étrangement. Il se fait piéger par l’inconnu et l’inconcevable l’entraîne vers la folie. Il se retrouve embarqué dans une croisade pour protéger son amour et le monde contre les pouvoirs maléfiques de ce Dracula qui s’avère n’être que l’un des descendants d’un tyran sanguinaire devenu vampire et parcourant les temps afin de conquérir les vivants. Seules la science et l’ouverture d’esprit seront des armes efficaces contre cet ennemi hors de tout sinon de sa légende.
L’image de ce Dracula est devenue l’archétype du personnage de vampire. Bram Stoker le fait apparaître la première fois sous les traits d’un vieillard aux cheveux blancs, vêtu de noir terriblement fort qui recouvre sa jeunesse et devient de plus en plus fort au fur à mesure de ses vampirisations. Il est extrêmement cultivé et très intelligent, mais il a l’air féroce et connaît tous les déboires de la vie d’un vampire. Il règne en maître sur la nuit et ses créatures. Il est avide de pouvoir et veut conquérir le monde, renverser l’ordre religieux, éthique et moral…
Après de très nombreuses adaptations théâtrales, plus d’une centaine de films de vampires sont venus nourrir les rêves d’un XXe siècle avide de récits fantastiques. L’image du vampire a évoluée, elle s’est dramatisée, notamment avec des interprètes comme Bela Lugosi avec sa grande cape noire et sa canne. Seulement en 1993, sur un scénario de James V.Hart, Francis Ford Coppola donne une nouvelle version de Dracula, la plus fidèle au roman initial et la seule qui donne une nouvelle dimension au vampire romantique de Bram Stoker en donnant au mythe ses origines historiques et en y peignant une histoire d’amour intemporelle : » J’étais convaincu qu’il y avait matière à faire un film qui n’avait jamais été fait. J’ai cherché à rendre l’aspect érotique de Dracula et les qualités épiques du roman de Stoker. »
De Cluj-Napoca en Transylvanie à Å¢ârgoviste, Bucarest, Brà lia, Kilia, BraÅŸov, Snagov… suivant les traces des armées et des batailles, croisant les églises et monastères byzantins persistent les vestiges médiévaux de la Valachie, première terre roumaine, la Tara Românească, bordée par le Danube au sud, à l’Est, à l’Ouest par la Mer noire, et au Nord par les plus hauts sommets des Carpates méridionales.
Le vrai Dracula, celui qui n’était pas un vampire, habitait à Poenari, à Brasov… dans ses demeures en Valachie et non pas en Transylvanie. On dit que quand il fà»t tué et enterré, on ne retrouva jamais son corps. On dit que c’est lui qui s’est relevé de sa propre mort, maudit par le mal qu’il avait fait, et qu’il a infesté des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants en leur suçant le sang. Si tant de peur avait survécu à sa mort, c’est Que Vlad Å¢epeÅŸ était une légende de son vivant.
La vie de Vlad Å¢epeÅŸ une des figures mythiques de l’histoire Valaque, grand prince qui a régné sur la Tara Românească dans la seconde moitié du XVe siècle à inspiré de nombreux récits. Les premiers sont apparus à peine quelques années après sa mort d’abord en Allemagne, puis en Russie. Il est devenu le vampire le plus célèbre de la littérature grâce à Bram Stoker qui se servit de lui pour créer le personnage de Dracula, même personnage qui à son tour, dans la profusion de l’inspiration vampirique du XXe inspira plus d’une centaine de films.
Dracula, Vlad Å¢epeÅŸ (l’empaleur) est considéré à tort comme l’initiateur d’une nation qui deviendra la Roumanie, descendant des Barsab, grande dynastie fondatrice de l’état, il n’est que l’un de ses grand défenseur. Nicolas Ceausescu s’identifiera à lui en soignant son image de gardien de l’indépendance roumaine face au grand frère soviétique, turc à l’époque.
Les XIIIe et XIVe siècles sont des périodes difficiles qui oscillent entre ordre et désordre pour les voà¯vodes roumains qui doivent repousser les hordes tartares et essayer de rester autonomes face aux pressions hongroises. Les mouvements de populations s’ajoutant à cela, le territoire se divise en principautés (Moldavie et Valachie) qui, fiefs hongrois se déclarent indépendantes à la fin du XIVe. Les invasions ottomanes débutent, de la fin du XIVe au XVIe siècle l’existence de ces peuples se résume à la simple résistance de leurs princes. Mais les drapeaux sont souvent remplacés, les trahisons succèdent aux invasions et aux terreurs imposées par les pouvoirs successifs. Cependant le joug turc est loin d’avoir été aussi pesant pour les pays roumains que pour les divers peuples balkaniques. Il n’a pas entraîné de bouleversements démographiques, ni instauré d’islamisation forcée. Les princes devaient payer un tribut afin que leurs principautés conservent une certaine autonomie et la possibilité de poursuivre librement leur développement culturel.
Les Turcs prennent en otages Vlad Dracula et son frère Radu pour faire chanter leur père Vlad II, voà¯vode de la Valachie. Le trône connaîtra Vladislav II installé par les Hongrois avant que Vlad Dracula ne parvienne à la tête de la principauté avec l’aide des Turcs. Deux mois plus tard il est chassé par Vladislav II et il se réfugie en Moldavie. En 1456, il récupère son trône et essaie de régner sur son peuple en résistant contre les appétits d’annexion de la Hongrie et ceux non moins dévorants de l’Empire ottoman. Il instaure la terreur à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Ses violences lui valent son nom légendaire : Vlad Å¢epeÅŸ (Vlad l’Empaleur). Jusqu’en 1462 les Turcs restent en défaite face à sa hargne et sa folie. A la suite d’une fausse lettre prouvant l’allégeance de Vlad à la souveraineté de Mehmed II, il est emprisonné par les troupes hongroises. Dix ans après il récupère encore une fois son trône en se convertissant officiellement au Christianisme. Il meurt dans une bataille contre les Turcs deux ans plus tard.
Quand on visite le moindre texte se rapportant à ce personnage, ce qui résonne c’est sa cruauté, citant les chiffres de 500, 20 000 jusqu’à 50 000 empalés lors de massacres, des histoires d’horreur, il en existe des dizaines… Le personnage historique, celui qui n’est pas un vampire existe au même rang que tous les mythes de son pays, c’est une légende, de ce qui était vrai, on se le demande.
Son histoire a fait l’objet d’un livre écrit et imprimé de son vivant en Allemagne î il existe deux autres versions – : Geschichte Dracole Waide. Le texte a été largement diffusé en Europe centrale et méditerranéenne du Xve au XVIIIe siècle. L’histoire de ce livre est conforme à ce que fà»t la vie du Voà¯vode et de ce qu’il a infligé à ses ennemis. Hors mis la tradition Orale, ses transcriptions, les correspondances entre les hauts dignitaires de cette époque directement liés à l’histoire de ce personnage, c’est le seul écrit accessible qui donne à connaître Vlad Dracula. Mais il y a beaucoup de légende déjà , beaucoup de rectifications de la vérité qui transformèrent aussi tôt Å¢epeÅŸ en monstre et en mythe.