% François Mauriac, pourcent artistique / région Aquitaine
Le châlet au milieu de son jardin fait partie d’un écosystème naturel. Il a été apporté ici, le jardin a été dessiné au fil des années, le temps a renforcé les liens entre le bâtiment et la forêt. Le architectes, le scénographe et le paysagiste écrivent le projet de réhabilitation en mettant l’accent sur les relations entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, sur les relations qui s’écriront entre les matériaux nouveaux et l’écrin qui sera habilement restauré. Il est question de continuité avec le passé.
J’écris une oeuvre qui s’allie à ces envies de continuité. J’ai envie de lier l’intérieur du bâtiment, le nouveau et l’ancien à l’extérieur, au jardin. De trouver le moyen d’écrire une histoire où la nature pénètre dans la maison. Où elle agit sur l’image. Où elle influe sur le temps.
Le dispositif mettra en scène à l’intérieur du châlet, dans le salon, certainement au dessus de la cheminée, une surface -écran parfaitement intégrée dans la matière du mur. Cet écran sera une fenêtre vidéo sur le jardin. Une caméra placée sur la façade du châlet filmera l’extérieur en continu. Le paysage que l’on verra là sera un fragment du jardin. De temps en temps, des évènements plastiques viendront ajouter quelques notes de couleurs à l’image.
L’oeuvre sera interactive, dépendante d’impulsions diverses : de phénomènes naturels tels que les changement de lumières, les éclairs, le vent et de systèmes astrologiques comme le cycle des lunes, certains éléments de calendriers ésotériques… L’homme n’aura pas la possibilité d’agir directement sur cette oeuvre sauf dans le cas exceptionnel où il voudra programmer un évènement. Cela sera possible peut-être plusieurs mois à l’avance…
L’oeuvre aura la particularité de s’inscrire dans le temps. Il lui arrivera de prendre plus ou moins de la liberté avec l’écoulement naturel de notre temps. Il pourra arriver qu’une impulsion déclenche ou le programme pour une date ultérieure un ralentissement quasi imperceptible du flux d’images diffusées sur l’écran. Ce ralentissement décalera progressivement ce qui se passe avec ce qui est diffusé. L’image prendra du retard, de plus en plus de retard. Au début ce sera difficile de le voir mais il pourra arriver que ce retard soit de plusieurs heures, peut-être de plusieurs jours, qui sait, peut-être de plusieurs mois. Et puis arrivera un jour une autre impulsion qui déclenchera un mouvement contraire et le flux se synchronisera à nouveau avec notre temps.
Imaginons qu’il y ait malheureusement à nouveau une tempête comme il y a eu en 1999 et qu’elle fasse tomber un arbre pris dans le champ de la caméra. Imaginons que le décalage est de deux jours. La tempête ne serait visible que deux jours après et l’arbre serait toujours là droit sur l’écran pendant sa chute. La vitesse et la longueur de ces décalage pourra varier. Elle sera fonction de l’importance de l’impulsion.
Les évènements plastiques qui pourront survenir aussi suite à des impulsions ne seront pas artificiels. Ils seront la manifestation de la nature de l’image. Il seront des excroissances colorées des formes composant la compression de l’image numérique. Ces évènements feront ressortir des parties sombres du jardin, ils exprimeront une réalité magique qui se cache dans l’image numérique : celle de la mathématique psychovisuelle, technique subtilement développée pour permettre la compression (du poids) des images en simplifiant les zones qui à priori n’ont pas d’importance où ne sont pas visibles. Ces zones sont déformées et mues à des rythmes qui leurs sont particuliers, liées à celui de l’image mais non analogiques.
L’image que déploiera l’oeuvre sera celle des relations entre la nature et le systèmes humains, entre intérieur et extérieur, entre analogie et synthèse objective, entre passé et présent, entre nature, magie et mysticisme. L’idée de faire quelque chose qui soit beau est fondamentale. Le plaisir esthétique doit être évident. Je conduis les recherches plastiques avant tout dans cette perspective. J’imagine une image nouvelle, pas innovante mais saisissante, sans cesse réactualisée mais jamais dans l’absurde, toujours en entretenant un lien fidèle à la réalité du paysage filmé.
ill. Uishet, Jacques perconte, 2007