Jacques Perconte ne laisse rien au hasard : ses images s’adressent autant aux émotions qu’à l’intelligence du spectateur î qu’elles stimulent également, jusqu’au point où la réflexion naît de la sensation même, dans un jaillissement unique. « le jour où la terre », l’installation qu’il a mise en scène et scénarisée pour impaKt n’a pas fait exception : elle a même affronté, en les spatialisant, toutes les ambiguà¯tés qu’un art de la réécriture numérique du réel ne peut manquer de susciter.
Face à un amoncellement pyramidal de tables, aussi monumental que son art est minutieux, aussi géométrique que ses pixellisations, on pouvait donc voir et entendre, sur l’écran principal de la salle jullian investie et reconfigurée pour l’occasion, une rétrospective, un trajet à travers l’ensemble de la production de l’artiste, depuis ses débuts à filmer le maillage électronique coloré d’un tube cathodique, puis à revisiter le clip de hung up par madonna ou les altaà¯rs d’hugo verlinde, et jusqu’à son oeuvre la plus célèbre, uishet, splendide promenade en barque au gré du courant d’huchet, qui évoque autant klimt et Seurat que la remontée d’un fleuve vietnamien filmé par coppola. sauf que l’horreur a fait place à la splendeur absolue, l’histoire et le paysage à une abstraction somptueuse, hypnotique, néanmoins traversée par des bribes d’inquiétude devant la métamorphose qu’une machine numérique parvient à faire subir au réel : apocalypse now ?
Et de chaque côté de ce trajet intime dans sa propre pratique d’images, Jacques Perconte a placé, pour figurer littéralement cet écartèlement d’une pensée fascinée par la beauté des choses autant que préoccupée par leur possible disparition, à droite, son installation i love you, où un ordinateur quantifie la part d’amour contenue dans les photographies de la femme aimée, à gauche, le film issu de l’exposition entre le ciel et la terre. les deux projections latérales ont lieu sur des écrans aux dimensions réduites, proches des spectateurs qui peuvent d’ailleurs les traverser et en bouleverser l’ordonnancement lumineux ; elles sont flanquées de deux ipods munis d’écouteurs, qui diffusent à nouveau, en modèle très réduit, hung up et uishet.
Face à son public, l’artiste exposait enfin son corps même aux prises avec ses machines, en train de créer en direct des plages de musiques électroniques, un environnement sonore qui achevait de faire de cette séance un véritable opéra numérique et écologique où ont cohabité de façon critique le fétichisme et la bonne distance. Jacques Perconte y a littéralement mis les spectateurs à ses pieds par cette mise en perspective sensible d’une création audiovisuelle qui enregistre et capte le réel autant qu’elle le défigure et le fait s’évanouir sous les nappes de couleur, les points d’or et les pans d’incarnat dignes des plus grands peintres.
Cette séance impaKt aura duré ce que durent les roses, mais les roses d’isz, dont les pétales imperceptibles, travaillés en explosante-fixe de couleurs, forment l’inoubliable substrat de l’amour.
Texte de Marie Martin pour Impakt, publié le vendredi 3 avril 2009. photographies gary Dejean et jacques Perconte