Cet extrait du livre sur le travail de Christo (le texte pourrait s’engager un peu plus) accompagne mon travail préparatif pour l’installation que je vais faire dans la Galerie Bordelaise (à Bordeaux) pour les soldes d’hiver en janvier 2008.
Le 13 aoà»t 1961, fut érigé le Mur de Berlin par le régime communiste. Apatride, sans passeport et lui-même réfugié d’un pays communiste de Berlin-Est, Christo fut très affecté et révolté par cette décision est-allemande. Rentrant de Cologne à Paris, en octobre 1961, ils préparèrent sa riposte personnelle. Ce fut le Mur de Barils de Pétrole î Le Rideau de Fer. Ils proposèrent de barrer la rue Visconti, une toute petite rue de la Rive gauche, avec 240 barils de pétrole et préparèrent un descriptif détaillé du projet.
Cette phase de mise au point d’un dossier de présentation écrit, accompagné de photocollages et de plans logistiques, se fera de plus en plus complexe au cours des années et au fur et à mesure que les projets deviendront plus exigeants et ambitieux. Mais les objectifs sont restés pour l’essentiel les mêmes : obtenir les autorisations des autorités concernées et, comme l’ont noté les commentateurs, inciter les critiques à intégrer l’évaluation esthétique dans l’examen de données techniques, sociales et environnementales. Dans le cas du Mur de Barils de Pétrole î Le Rideau de Fer, ce dossier manqua son but principal puisque la permission fut refusée. Des années plus tard, à New York, les Christo proposeront de fermer la 53ème rue avec 441 barils pour marquer la fin de l’exposition sur Dada et le Surréalisme du Museum of Modern Art, le 8 juin 1968. Là encore, ils manquèrent de chance et plusieurs autorités municipales leur refusèrent les autorisations nécessaires.
Nullement découragés pour autant, les Christo se remirent au projet du Mur de Barils de Pétrole î Le Rideau de Fer en se passant d’autorisation. Huit heures de suite, le 27 juin 1962, ils bloquèrent la rue Visconti î où avaient habité Racine, Delacroix et Balzac î avec 240 barils de pétrole que Christo avait lui-même transportés un par un. L’armée d’aides professionnels ou amateurs, qui allait accompagner tous les grands projets des années futures, se fit remarquer ce jour-là par son absence. La barricade de 4,3 x 3,8 x m bloquait la circulation comme prévu et les barils étaient dans l’état où ils avaient été trouvés, avec leurs couleurs industrielles, leurs marques, leur rouille.
Comme on pouvait s’y attendre, les Christo furent emmenés au commissariat de police pour répondre du délit d’obstruction, mais ils ne furent pas poursuivis. Il n’est pas certain que les passants comprirent que cette barricade avait un rapport avec le mur de Berlin. De nombreuses manifestations à Paris avaient lieu à cette époque pour protester contre la guerre d’Algérie et l’autorisation avait été refusée car les autorités avaient peut-être craint que le geste de l’artiste n’aille dans ce sens. Mais les Christo avaient néanmoins réussi à faire descendre l’art dans la rue, à se servir d’une rue, de barils de pétrole et même de la présence des passants – tous éléments qui n’avaient encore jamais eu droit de cité en art – pour créer une oeuvre temporaire. Cette insistance sur le caractère temporaire a toujours été fondamentale dans l’approche artistique post-modeme de Christo et Jeanne-Claude.
Texte et illustrations extraits de Christo and Jeanne-Claude, Volz, Wolfgang (ED), Baal-Teshuva, Jacob. Softcover, flaps 18.5 x 23 cm, 96 pages. ISBN 978-3-8228-5956-8. € 6.99
Première illustration : Projet d’un Mur Provisoire de Barils de Pétrole, rue Visconti, Paris. Collage, 1961. Deux photographies et un texte tapé à la machine, 24 x 40,5 cm
Seconde illustration : Mur de barils de pétrole – le ridau de fer, rue Visconti, Paris, 27 juin 1962. 24O barils de pétrole, 4,3 x 3,8 x 1,7m
Le site internet de Christo et jeanne-Claude / Christo sur artsy.