Lorsque l’on regarde une image et particulièrement lorsque celle-ci est en mouvement, on ne voit pas tout de la même façon. Notre attention est focalisée sur le sujet. Ensuite les éléments de décor peuvent être la plupart du temps s’ils n’ont pas d’implication direct dans le sens, être approximatifs. Cela arrive fréquemment dans les films que les éléments de décors soient visiblement factices si on y prête attention. Il ressemblent dans les grands traits à la réalité mais si on ne s’approche jamais d’eux le niveau de détail n’est pas systématiquement important. Plus ils sont « survrais » plus ils on l’air vrais. Pour les rendre « survrai » on amplifie certains de leurs traits caractéristiques…
Pour réduire le poids des images, pour les diffuser plus simplement avec des moyens techniques moindres, on compresse les films. Les compresser, cela veut dire réduire la taille des fichiers, c’est-à -dire diminuer la quantité d’informations. Alors pour minimiser les pertes on a inventé d’autre façons mathématiques de décrire l’image et le mouvement ( que celles déjà utilisées) On cherche constamment à trouver de nouvelles façon de décrire les films mathématiquement en réduisant les flux.
C’est comme ça qu’on a vu l’évolution de la vidéo qui il y a quelques années ne s’envisageait que difficilement sur un ordinateur et qui avec l’arrivé des dvd et des divx a trouvé sa place, mais qui restait bien trop lourde pour internet… pour aujourd’hui voir arriver des vidéoclubs en ligne qui louent des films et les diffusent en très haute qualité en streaming ( c’est-à -dire que le film est lu sur le serveur du vidéoclubs et passe sur internet peu à peu pour venir s’afficher sur l’écran)… Bien sur internet et les ordinateurs ont beaucoup évolués, mais l’encodage des fichiers vidéos a fait une route assez incroyable.
J’ai eu la chance de la suivre puisqu’il y a une dizaine d’années le CNRS me demandait de voir comment cela serait possible de mettre des séquences de films sur internet…
Donc pour réduire la taille des fichiers et donc des flux, certains systèmes de compression (codec = codeur/décodeur) utilisent des méthodes dite psychovisuelles. Ces méthodes sont basées sur la réduction et la neutralisation de ce qui ne sert pas directement le sujet et le mouvement. Les mathématiques déterminent la qualité intelligible des éléments… Pour les compressions qui m’intéressent c’est-à -dire les compressions temporelles, cela se passe à la fois au niveau des images fixes et au niveau du mouvement. C’est-à -dire par exemple que dans une séquence vidéo d’un paysage du type de celui du jardin, les parties très sombres (les troncs à contre jour par exemple) vont être uniformisées et ne seront pas affectées par les déplacements des parties éclairées (le bord des branches mues par le vent). Les zones vont être simplifiées selon leur importance. Elles se composeront et décomposeront de façon à restituer plus ou moins fidèlement l’action selon les intentions que l’on a. Le codec permet de régler la sensibilité. On peut complètement détruire la neutralité naturelle de l’image pour lui donner une nouvelle dimension.
Dans un film, un oiseau peut laisser une trace de son passage dans le ciel. SI l’on décide d’une qualité faible, on peut arriver à ce que l’accent soit mis uniquement sur le mouvement de l’oiseau. Avant son passage le ciel est composé de zones bleues. Quand il arrive, ces zones se complexifient et la quantité de détail augmente. C’est un peu comme s’il faisait une brasse dans l’eau, qu’il déplaçait la matière du ciel autour de lui. Derrière, le ciel ne vas pas se recomposer de la même façon et des artéfacts de l’oiseau se mêleront au ciel… et on verra apparaître le sillon du déplacement de l’oiseau, come si le ciel avait été une matière, comme si l’oiseau rampait sur du sable bleu…
Cela fait longtemps que je cherche à sculpter l’image, avec l’expérience j’ai appris à maîtriser ces techniques de compression, à trouver les outils adéquats (grands publics pour la plupart) pour traiter l’image d’une façon détournée et très singulière et lui donner de nouvelles dimensions dans sa perception… Et comme un peintre ou un sculpteur, je travaille mon matériau avec des outils pour lui donner la forme et le ton dont j’ai envie.