Je démarre la réflexion sur ce projet avec l’idée de croiser les champs et les notions du contexte avant d’en tirer une ligne directrice ou de carrément partir vers autre chose… donc en vrac, des idées :
Le contexte : Evry, une ville et sa situation sociale, son organisation urbaine, une population et ses habitudes ; Evry2, un centre commercial qui réunit 235 boutiques ; le théâtre de l’agora, scène nationale, accolé te quasiment intégré au centre commercial. Les champs : les nouvelles technologies, la mobilité, la géolocalisation. Mes champs : le paysage, l’image, la couleur…
Le croisement ne se fait pas naturellement, mais le centre commercial m’intrigue, j’ai envie que d’une façon ou d’une autre il prenne une place dans le projet. La réaction primaire de l’association théâtre/espace public est de déplacer le spectacle hors des murs et de faire intervenir le jeu ou la danse dans le contexte urbain, mais quel intérêt cela à réellement ? En tout cas ce n’est pas le genre d’attitude qui me dit.
Comment ais-je envie de manipuler le contexte social ? Comment dois-je m’adresser à la population ? Aux jeunes ? Quel est leur rapport à l’image ?
Est ce que je dois analyser se rapport, en déduire un constat et l’exploiter pour ouvrir une discussion ? Donner une leçon ? Dois-je au contraire me mettre en arrière et leur laisser prendre les rennes, les amener à me dévoiler leur rapport à l’image ? Il est question d’image fondamentalement, même si la production aboutit à une performance, c’est l’image qui sera produite qui sera confrontée à leur culture dans leur perception, même s’ils ne viennent pas, du moment qu’ils y pensent la confrontation aura lieu.
J’imagine que la proposition doit être plus naà¯ve. Qu’est ce que je peux leur offrir ? Ce n’est certainement pas mon avis, pas un jugement ni un constat. C’est peut-être simplement ce que j’ai en moi, une passion, un savoir-faire, des images, de la couleur, une façon d’imaginer et de faire des choses plus ou moins nouvelles. La rencontre peut se passer là . SI je prenais la position simple d’aller vers le public sans prétention. Comment faire dans le cadre d’une commande, avec une création ? La rencontre d’une position subventionnée et d’un contexte social délicat… moi aussi je me bagarre pour subvenir à mes besoins, je construis des choses, je trouve des solutions, et j’essaie d’en dégager plusieurs formes de profits, le but n’est pas l’enrichissement ni la capitalisation de l’avoir, mais la réalisation de mes envies et la communication, la rencontre, le partage. Je n’ai pas évolué dans le même contexte social. Je n’ai pas connu cet univers urbain î et je ne le connais pas.
Je ne pense pas qu’il faille attendre de l’art qu’il résolve des questions sociales, éthiques, c’est ce qu’en font es gens qui pourra engendrer des changements. C’est la façon dont on parle, le temps qu’on prend pour écouter les autres, l’attention que l’on porte pour essayer d’être honnête à tous les niveaux qui pourra faire avancer les situations délicates.
La mobilité, qu’est c’est ? La population qu’est ce qu’elle en a à faire ?
Et moi, plus ca va plus je n’écoute plus ce qui se passe… C’est un outil, évident, mais réfléchir sur des productions qui la questionne ? A quoi bon ?
De la mobilité, on peut extraire la partie émotionnelle et magique de la technologie sans forcément parler directement d’elle. C’est finalement ce qui nous intrigue dans la technologie. Sa finalité réelle ne nous importe que faussement. Désir de contrôle, d’omniprésente ? Certainement que l’envie d’être finalement est ce qui prédomine nos approches en général. Il s’agit d’exister et de se le démontrer sans cesse, de le montrer aux autres. La technologie en occident sert l’incompréhension des envies de l’homme, elle palie à ses lacunes spirituelles î croit-il…. Et essaie t’il de faire croire aux autres.
La question de la technique dans l’art est depuis toujours une des problématiques de la perception que ce soit du côté des spécialistes ou des publics. Inévitablement, dans notre culture, chaque nouveauté est comparée à ce qui la précède. Ainsi la comparaison en rapport à des canons sert une part de l’avis : on sait si on aime ou on n’aime pas en partie par ce que l’on sait (par principe la publicité se base sur cette règle, elle nous montre ce que l’on a déjà vu). La question de la technique dans l’art est délicate car notre façon de juger met souvent en rapport le degré de technicité et la qualité de l’oeuvre. Les postulats populaires sur la facilité à réaliser certaines oeuvres sont éprouvées. Artisan des ‘nouveaux medias’ j’ai été je ne sais combien de fois questionné sur le temps, la technicité, les efforts, la difficulté, l’innovation mis en oeuvre… Depuis quelques années j’essaie d’effacer la technique le plus possible. Qu’est ce que c’est créer avec les nouvelles technologies î quand je dis créer c’est viser une forme expressive, ‟ faire de l’art ” ? Est-ce que c’est fabriquer une machine technologique qui ne fonctionne que par ses rapports de fascination, où la technologie est la magie qui séduit l’enfant ? Est-ce qu’il faut entretenir cette fascination ? J’ai vu trop d’oeuvres qui ne tenaient qu’à cela, oeuvres à cause de cela, mais vides et inexpressives, quand l’effet de nouveauté aura passé le pas, à la prochaine génération de technologies, il ne restera plus rien.
Face à un public, la question de la technique dans la technologie est aussi délicate : quand on parle de nouvelles technologies, il y a souvent la volonté de faire partager la démocratisation : mais la prise en main se cantonne trop souvent au bricolage vain car on veut détruire la barrière technique. Mais il faut être honnête, ce n’est pas par la démocratisation et la multiplication des outils que l’on peut augmenter ses capacité créatives, c’est par la maitrise et le travail de techniques que l’on arrive à dépasser, quelles qu’elles soient…
Où cela mène ? Pour le moment le paysage reste encré fortement dans mes envies. Quel paysage ? Celui d’Evry ? Les alentours ? La mobilité ? Comment tout cela s’ordonne ? Je pense beaucoup au Land Art, à ces chemins que prend mon imagination quand je vois les restitutions des projets, des expériences. Le land art se communique essentiellement via la photographie, par le texte, par la parole, de temps en temps par le film. Il n’y a pas réellement de contact avec l’oeuvre elle-même mais simplement une transmission d’un sentiment magique à travers les traces rapportées.
Aujourd’hui où il est de plus en plus question d’accès à tout partout, il me semble qu’un lien peut se créer avec le land art. Les artistes partaient dans le désert, en haut des montagnes, ils engageaient des travaux de dimensions exceptionnelles, dans des lieux inaccessibles, où ils n’y avait rien. Ceux qui ont travaillé en ville ont toujours tenté de dépasser la vision et l’approche de l’espace urbain commun. Dans tous les cas, le lieu est transfiguré, déplacé par l’activité de l’homme, il se déploie au-delà de l’attente dans un imaginaire très particulier.
J’ai pensé la toute première fois à faire un film, peut-être plusieurs films sur le paysage, aujourd’hui, je pense aussi au Land Art, à certains artistes en particulier : Dennis Oppenheim, Doris Bloom et William Kentridge, Michael Heizer, Walter de Maria, Richard Long, Hamish Fulton, Richard Serra… (je vais mettre des images en ligne)…
Suite et révisions au prochain épisode …
posté originalement sur le blog du projet Entre ciel et terre : Evry Essonne