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Posté le 8 octobre 2007 dans écrits / notes, ici et là dans le monde -> lien permanent
Comment Internet Change Notre Façon De Penser ?

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Comment Internet change notre façon de penser
Ce mois-ci, Emmanuel Sander écrit dans le magazine Sciences Humaines un article qui porte ce titre : ‟ Comment Internet change notre façon de penser ”. L’accroche est : Dématérialisant les supports de connaissance, s’affranchissant de l’espace et du temps, Internet offre de nouvelles manières d’organiser les connaissances. Une révolution cognitive ? ”. Je ne parlerai pas de l’article dans son intégralité mais de la chute, de la régression proposée.

2007 : Emmanuel Sander, Prothèse d’un nouveau type (tiré du magazine)

[…] Internet est une prothèse d’un nouveau type. Extension corporelle, il l’est par l’intermédiaire de la souris et du clavier qui permettent à  chacun d’oeuvrer sur la Toile. Sa nature intrinsèquement décentralisée et communautaire, son caractère immatériel et la globalité de son champ d’interaction avec les autres activités humaines lui donnent un statut particulier. L’ampleur des changements qu’il induit dans les conceptions du monde environnant en témoigne plus encore. En cohérence avec les théories de l’embodiment, ces conceptions sont appelées à  constituer de nouvelles sources d’analogie, car un objet d’analogie peut à  son tour en devenir source dès lors qu’il est suffisamment maîtrisé.
Durant la fraction temporelle, infime à  l’échelle de l’évolution humaine, de son existence, la prothèse Internet est pensée par analogie au monde sensible. Mais elle est appelée à  devenir elle-même outil de pensée. Lorsque le monde sensible se concevra par analogie avec Internet, ce sera une nouvelle révolution.

1988 : Jean Baudrillard : le Xerox et l’infini

Si les hommes créent ou phantasmes des machines intelligentes, c’est qu’ils désespèrent secrètement de leur intelligence, ou qu’ils succombent sous le poids d’une intelligence monstrueuse et inutile : ils l’exorcisent alors dans des machines pour pouvoir en jouer et en rire. Confier cette intelligence à  des machines nous délivre en quelque sorte de toute prétention au savoir exhaustif comme de confier le pouvoir à  des hommes politiques nous permet de rire de toute prétention à  gouverner les hommes.
Si les hommes rêvent, contre toute évidence, de machines originales et géniales, c’est qu’ils désespèrent de leur originalité, ou qu’ils préfèrent s’en dessaisir et en jouir par machines interposées. Car ce qu’offrent ces machines, c’est d’abord le spectacle de la pensée, et les hommes, en les manipulant, s’adonnent au spectacle de la pensée plus qu’à  la pensée même. […]

Quelle distance y-a-t-il entre ces deux pensées ? L’homme est au centre du monde. Tout tourne autour de lui. C’est le référentiel. L’homme et le spectacle de la pensée. L’homme et le spectacle de la vie. L’homme et le sentiment d’exister.

Emmanuel Sander s’excite qu’à  l’avenir la réalité se modélise sur le spectacle de la pensée. Parce qu’il ne faut pas halluciner et l’analogie modélisée ne sera jamais qu’un élément du spectacle, du bavardage. Même si cela est constructif, même si cela tend dans le sens de l’évolution que nous suivons, il faut bien entendre que nous nous séparons du sensible pour le sensé.

Penser des outils de pensée pour vivre la pensée… Voilà  de quoi sera fait notre futur. Je me rappelle des extropiens et de ceux qui quand je jalonnais les textes théoriques tout va il y a plus de dix ans voyaient leur avenir dans la séparation du corps et l’esprit où le corps est une prothèse.

A moins d’y arriver physiquement, de s’injecter dans les réseaux, d’exister dans l’euphorie et la vitesse pour ne pas laisser de place à  la mémoire, la dépression frappera parce que nous n’habitons pas un corps mais nous sommes un tout. On ne pense pas des émotions, on n’est pas indifférent à  soi même si on le pense et qu’on se bat contre soi, on est là  et la distance ne se réduit jamais. Il faut être honnête et s’avouer que l’on ne doit plus laisser progresser la séparation corps/esprit. On ne doit surtout pas pousser la création de doubles : je suis qui je sais, et je montre qui je ne suis pas mais j’aimerais être, je m’étends, je m’épands par ma pensée et ma culture, mais je suis loin d’être moi. Ces modèles doivent être combattus.

Soyons honnêtes avec nous même. Je suis en train de lire les textes de François Flahault rien que par le titre on entend de quoi il et question : Le sentiment d’exister (ce qui ne va pas de soi) et ‟ Be yourself ! Au-delà  de la conception occidentale de l’individu ”.
Quel est l’avenir de l’homme s’il continue sa route comme ça ? Ecologiquement on le sait : il est perdu. Socialement aussi certainement. Mais pourquoi ?A cause de ses choix ? Parce qu’il pense trop. Ou parce qu’il pense qu’il pense et finalement il s’écoute ? Et le capitalisme ? Tout en vrac, ce qui émerge, c’est que l’homme a réussi à  se refuser en tant qu’élément de la nature. Il se cherche au-delà  (ailleurs ?) tellement il se sent supérieur. Comme la plupart de ses projections (de ses certitudes) sont fausses, il ne comprend pas ce qui ne va pas.

Alors internet change de notre façon de penser ? Malheureusement il change surtout notre façon de nous comporter, il renforce les inégalités, amplifie les tendances communautaires…. L’homme est face à  un défi (pas un nouveau) : arriver à  maitriser ses désirs d’ubiquité et son égo, sa fainéantise et ses peurs. Alors Internet c’est mal ? C’est mal comme tout. Il faut comprendre que ce n’est pas ca qui est en cause, ce ne sont jamais les outils, ce sont les usages qui sont en causes… Dixit Vilém Flüsser : ‟ Ce qui caractérise les projets humains, en effet, c’est qu’ils poursuivent des intentions. ”. Alors l’idée, c’est d’être pleinement conscients de nos intentions… et que ces intentions ne soient pas mauvaises (et là  il s’agit encore de comprendre ce que cela veut vraiment dire)… C’est pas gagné…

Emmanuel Sander, Comment Internet change notre façon de penser, Sciences Humaines 186, 2007
Jean Baudrillard, Le Xerox et l’infini, Traverses 44-45, Machines Virtuelles, Revue du centre Pompidou, 1988
François Flahault, Le Sentiment d’exister. Ce soi qui ne va pas de soi, Paris, Descartes & Cie, 2002, 825 p.
François Flahault, ‟ Be Yourself ”, Paris, Mille et une nuits 2006.
Vilém Flüsser, Pour une phénoménologie de la télévision in La Civilisation des médias, 2006.
ill. American Apparel, 2003.

 

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