J’ai encore eu une conversation au sujet de la création et des nouvelles technologies. En moins de cinq minutes, il n’était plus question que de technique…. Il y a une histoire particulière des usages et de la création qui s’écrit avec l’évolution des nouvelles technologies. En même temps cela doit être la même chose à chaque fois qu’il y a une nouveauté… depuis toujours. Les artistes s’approprient les technologies. La focalisation sur l’objet et ses possibilités mobilise beaucoup de gens et finalement le dispositif tient lieu d’oeuvre. La force de la réalisation ici, la performance technique, trouve t’elle son équilibre face à la réalité de la proposition ? Combien de productions ne racontent rien d’autre que leur processus î réellement je veux dire, pas de façon simplement anecdotique. J’ai vu peu d’installations qui m’on convaincu, pas intellectuellement mais physiquement, qui m’on bouleversé. Ce qui m’inquiète, c’est l’attention à l’objet détournée puisqu’on n’en perçoit finalement qu’une partie. En s’y concentrant, on efface presque le reste et l’image ne sert que de réceptacle au jeu : ‟…l’image se déforme, et à chaque fois que la main effleure l’écran, selon la pression, dans la zone de contact, les couleurs changent et tournent vers le rouge et le orange, et lorsque l’on relâche, la tache vire au bleu avant de revenir à ses couleurs originales. ” Qu’est ce qu’on ressent ? La curiosité ? La théorie a fait couler beaucoup d’encre là -dessus. Les théoriciens continuent à passer beaucoup de temps à essayer d’expliquer tout ça, je repense à des textes de Gregory Chatonsky de 1996-97 qui parlent d’enthousiasme conjuratoire : la peur, l’enthousiasme, le désir, la conjuration.
Est-ce qu’on attend de moi que je reprenne la suite, et en tant qu’artiste je propose une forme résonante qui expliquera et éclairera les philosophes, les curieux, les aficionados ?
Beaucoup de pièces nécessitent le précis théorique qui met à plat les intentions et les portées de l’oeuvre qui finalement ne nous parle pas en dehors de ses systèmes fonctionnels. Mais je pense que c’est normal, que dans le monde où nous vivons les choses se passent comme ça. La société vide l’image et le son de leurs contenus pour les contextualiser, mixons, libérons l’image de son poids pour se l’approprier. Les milliards d’images auxquelles nous pouvons accéder se ressemblent. Avez-vous Aprile de Nanni Moretti ? J’aime beaucoup cette scène où il achète tous les journaux î quotidiens et magazines î que possède Berlusconi. Et que rentré chez lui, il les découpe et les compare. Qui écrit où ? Finalement il y a peu de journalistes, un écrit à la fois dans des magazines féminins de gauche, dans une critique politique pour un quotidien de droite… Et il assemble tous les articles en un immense journal, le seul qui existe réellement. Et que dit-il ce journal ? Pas grand chose, il brasse du vent, il occupe de l’espace. Il y a trop de formes neutres, trop de formes vides. Tout le monde se cherche. Et je ne suis pas sur que d’impliquer le spectateur dans l’oeuvre grâce aux merveilles de l’interactivité soit la solution î si il est question de chercher une solution, ou d’en trouver une. De quoi parle-t’on avec l’oeuvre ?
Aprile passe demain mardi 25 avril sur cinecinema à 17H20… Ill. Ingrid Bergman, Stromboli, terra di Dio, 1949, Roberto Rossellini