« Au coeur de nos lieux d’existence multizonés, saturés de signes et de séquences, taillés en microcosmes et en constellations : un site expérimental pour éprouver et cerner les points de partage, de tangence, d’intersection entre les arts, les techniques et les discours. »
Karen Dermineur. Manifeste d’[AKT] 1996.
X est un ensemble d’interfaces.
-utilisateur, logiciel, matériel, réseau-
Cet ensemble ne peut fonctionner que disposé sur un serveur. Il se construit par le réseau. Il est relié à de nombreux points du globe. En parcourant ces espaces, on pointera vers des lieux divers, tous très distants de l’utilisateur. Celui-ci « verra » en temps réel -en temps réseau- des choses qu’il n’est pas physiquement capable de vivre. L’interface allie et fragmente des images et des représentations de l’espace qui ne se confrontent et ne coexistent pas dans la réalité.
X est l’exportation d’un espace vers une infinité.
-parvis de la bibliothèque de Bordeaux Mériadeck, http://147.210.90.155/-
Ce bout de structure a été interprété et transporté hors de l’ensemble auquel il appartient et sans lequel il n’existe pas. Il a été déplacé d’un endroit bien défini, d’une « location » établie à un ailleurs. Cet ailleurs est numérique. Il ne s’altère pas de par la simplicité des informations qui le constitue. Le temps n’altère pas des 0 et des 1. Cet « espace web » qui a accueilli l’interface a été unique un instant, mais dès que le premier utilisateur (humain ou non) a traversé le site il a emporté une partie des informations et il a commencé à disperser et à multiplier les objets. Depuis que ce site, est ouvert, environ 200 personnes ont visité cet espace. Des personnes de tous horizons. On peut retrouver des « bouts » d’interface dans plusieurs « endroits » sur l’internet. Tant que ce lieu sera là il se déplacera en se multipliant.
X est une translocation.
-Bordeaux, Paris, New York, réel, image, virtuel, temps, image du temps-
Au travers de la confrontation de différentes représentations de l’espace et du temps, le lieu devient autonome ; il n’a plus besoin de se référer à quoi que ce soit. L’interface devient le lieu de ces espaces. Le temps de la représentation acquiert toute sa dimension. On parlera de « profondeur de temps » et non plus seulement de profondeur de champ (Paul Virilio).
« Il faut penser les choses dans le mouvement. Alors que jusqu’à présent, le système de pensée faisait qu’on arrêtait les choses pour tourner autour. »
Fred Forest, Entretien avec Norbert Hilaire.
Translocation car cette interface est un déplacement de choses d’idées à travers différents espaces, différents supports. On passe à travers le temps. On s’enfonce dans de l’image. On déplace, malgré nous des choses à travers le monde. On délocalise. On diffuse. On vit une esthétique de la trans-apparence. On ne fait que manipuler de l’information. Transparence car ces choses que l’on voit ne sont pas matérielles ; elles pourraient être holographiques, elles n’ont pas besoin d’être opaques à quoi que ce soit.
« Le lecteur n’est plus ici le spectateur passif devant l’objet total et déterminé, il est le viveur, l’auteur de sa propre lecture-navigation. Il négocie son parcours de façon engagée en orientant le déroulement des événements par son action sur l’information et par l’appropriation de nouveaux outils de création.
L’expérimentation s’opère par la reconstruction permanente de l’image et de ses éléments, qui est aussi une expression du réagencement de l’espace réel, c’est à dire de la présence simultanée de plusieurs espaces (physique, communicationnel,…) constamment liés, imbriqués, se redéfinissant mutuellement de façon perpétuelle. »
Fiona Meadows et Frédérick Nantois, conférence Imagina (1996)
Claude Cadoz, dans « Les réalités virtuelles » (Dominos Flammarion, 1994) nous fait remarquer à quel point toute interface informatique est « pleine de virtuel ». Qu’à leur contact, notre esprit ne fait qu’abstraire. Nous interprétons la réalité. Cette réalité est une succession de points lumineux et qui forment des lignes et des colonnes sur un écran plat. « Les ampoules, les circuits, les électrons sont la réalité du dispositif, la lettre et le visage [la forme] les virtualités, les lettres et les visages [les formes] que nous avons reconnus les réalités évoquées par ce dispositif. »
L’interactivité, la combinaison étroite de nos actes et de nos perceptions, est la capacité de l’interface à nous rendre acteurs d’une expérience esthétique. » La discontinuité rompt avec un certain nombre d’assurances quant au sens qui n’est plus […] elle oeuvre sur la question de l’origine, sur l’errance, sur la perte de maîtrise quant au futur « . l’expérience interactive n’est pas discontinue. » Comment ne pas voir que l’essence de la durée est de couler, et que du stable accolé à du stable ne fera jamais rien qui dure ». L’interactivité est considérée comme l’expression d’un temps réel où se fait le passage d’instant de communication en instant de communication, c’est-à -dire une négociation où l’interface sert de traducteur dans une communication saccadée. « L’interactivité a besoin d’agir dans le » entre « , dans cet intervalle qui ne nie pas le particulier, l’exceptionnel, mais l’intègre au profit du mouvement ».
L’interactivité a toujours lieu dans un devenir quelconque qui implique, forcément, une évolution ou une impermanence qui lui donnent, justement, sa figure. À partir du moment où l’on ne voit plus le temps de calcul que la machine a pris pour répondre aux requêtes, on peut croire, qu’en fait, l’utilisateur agit dans la même temporalité que la machine. Le temps réel est une notion importante par rapport à l’espace que l’on visite. Le fait que cet espace réponde instantanément aux instructions, lui donne toute sa crédibilité.
En réseau, ce temps réel est quasiment toujours précédé de temps de chargement, l’utilisation de réseaux à haut-débit permet de palier ce problème.
Trans -location dans le sens de trans : « à travers de » et location : « lieu » (anglais). On traverse des espaces trans- parents, des espaces virtuels qui ne consistent qu’en des procédés mathématiques. On va visiter un lieu qui par le biais d’une interface nous fait passer d’espace en espace.
La traversée de ces espaces se fait selon plusieurs principes de navigation différents. Dans un premier temps, l’interface, gère, selon un système de compteur, des » temps de visites » sur certaines pages. L’utilisateur, qu’il a fini ou non de percevoir l’espace est emmené ailleurs. Ensuite, il y a l’interface graphique proprement dite, composée de boutons, de mots et d’images hyperliés vers d’autres pages. C’est par ce biais que l’internaute-visiteur va se déplacer de page en page. Dans chacun de ces espaces se trouvent des mondes VRML. Ces mondes offrent une interactivité entre utilisateur et objet modélisé. Ces modèles sont manipulables par le biais du réseau. La navigation peut s’y faire aussi simplement en naviguant sur une suite de points définis dans l’espace (on peut travailler sur les quatre dimensions). C’est une chaîne de noeuds (cameras nodes) qui permet de créer un chemin virtuel. Ce chemin existe nulle part ; ce n’est qu’une suite de points. L’utilisateur doit donc naviguer et interpréter les différents médias qu’il va rencontrer. L’exploration est aussi trans-média.
Cet espace que j’ai découpé, recomposé, recréé et interprété est, à l’origine, un lieu abandonné, laissé dans son état inachevé. Cet espace est assujetti au temps et à tout ce qui l’environne. Il est la cible parfaite pour d’éventuels tagueurs. Seulement, il n’en est rien. Il est resté inchangé depuis 6 ans que je le connais. Seule l’épaisseur de poussière au sol ou bien d’éventuelles traces de visiteurs (canettes ou papiers) sont des traces de temps à l’intérieur de ce lieu.
C’est la première raison de mon choix : cet endroit représente une étape de sa construction car il est inachevé, il reste une image de sa création. Cet endroit semble figé dans un moment comme une photographie l’est à tel point qu’une seule image peut rendre compte de ce lieu. La seconde raison c’est que ce « sous-parvis » est un réceptacle à tous les bruits de la ville. Il englobe et déforme (la réverbération des murs). En un sens c’est un espace qui en porte un autre dans une dimension impalpable.
Ce lieu n’est pas visité, il n’est pas utilisé. En l’exportant dans une installation interactive, en le confrontant à lui-même hors contexte, en l’introduisant dans une interface avec d’autres lieux, on lui donne une nouvelle identité, une identité qu’il n’aura que sur le réseau.
Le lieu est relié à une base de données de textes français et anglais sur l’art, les nouvelles technologies, le temps et l’architecture. Il est lié à des images (webcams) un peu partout dans le monde. Il n’est lus lié à lui même que par son image. Il est autre. Il est ailleurs.
blm2-92.abo.wanadoo.fr – - [17/May/1998:03:18:21 +0100]
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