Quelques notes sur l’art numérique qui apparemment trouve aujourd’hui de nouvelles filières de productions en chine… Le coà»t de réalisation d’un dispositif interactif, d’un environnement de diffusion d’images, d’une sculpture en led est vite très élevé. J’ai plusieurs fois refusé des conditions financières de production incohérentes. Il m’est arrivé de me tenir face à des impossibilités techniques dues au coà»t et de rendre les armes. J’ai déjoué des commandes trop désireuses de technologie. Mais jamais m’est venue l’idée de la Chine (ou autre) comme solution. Je n’y ai tout simplement pas pensé.
Réduire le coà»t de production d’une oeuvre – ou en tout cas d’un dispositif technologique – pour accorder son prix de revient à une réalité de marché. Voilà un beau geste, ultralibéral certes, mais bien réaliste. Que la raison soit liée au dégagement de la marge qui remplit les poches ou à la simple nécessité de réalisme pragmatique pour permettre l’existence physique (temporaire) de l’oeuvre justifie t’elle l’attitude?
Le matériau n’est-il plus noble ? J’ai cette bête et naà¯ve attention vis à vis des formes numériques que je produis. Je les estime peut-être trop. J’aime peut-être à tort les plastiques colorés d’une manière qui me contraint à respecter à priori leur corps abiotiques, inertes et antiécologiques. Evidement que la technologie est vouée à la dégénérescence, à l’accident, à la panne. Cependant les pratiques artistiques ne doivent-elles d’être poétiques, romantiques, vaines ? Bien sur que la figuration du geste politique peut prendre le médium dans son absurde éphémère, mais il doit l’avouer.
Serait-il nécessaire d’envisager la lutte contre la pollution dans la production d’oeuvres technologiques ? L’art numérique se devrait il être écologique ? Dit d’une autre manière : l’écologie ne devrait -elle pas être un des fondements de l’approche des arts numériques ? La surconsommation de technologies électroplastiques et métalliques dont ont use pour donner de la forme à des dispositifs qui répandent l’idée du rayonnement jubilatoire de la technologie suit bien le mouvement global de cette société. Société qui place son plaisir dans l’immédiateté de l’expérience. Société qui prépare un avenir à ses enfants où le soleil brillera si fort qu’on en aura de plus en plus peur. Nous sommes bien loin de l’usage de peintures synthétiques non biodégrables. Et il y a de plus en plus d’artistes (numériques pour beaucoup) aujourd’hui. D’ailleurs je commence à avoir envie de parler d’artisanat d’art technologique. J’ai l’impression que souvent l’âme n’y est pas, il n’y a que le coeur à l’ouvrage. Mais c’est une autre question.*
Comme le disent bien certains journalistes : le durable c’est branché. Un art numérique branché s’accorderait-il à devenir durable ? L’écologie est en question dans certaines oeuvres. Je n’ai pour ma part pas encore découvert de proposition qui tiendrait le problème sans l’exploiter visuellement et esthétiquement (à tous les sens du terme). L’écologie branchée s’expose dans les arts. Mais elle n’est pas le lieu de la retenue, de l’astreinte, de l’engagement dans la pratique d’un geste durable pour de vrai. Recycler la technologie, recycler les machines, détourner les usages… certes mais encore ?
Les arts subissent la démocratisation du numérique. A priori de plus en plus facile d’accès la création semble se donner. Certains ont l’impression qu’il n’est que question de temps et d’efforts pour passer les quelques difficultés techniques qui les séparent de la créativité et de l’art… C’est peut-être vrai pour certains. Mais l’est-ce pour tous ?