Par Jean-Jacques Birgé, vendredi 2 mars 2012 à 01:01
Drame.org / Mediapart, mars 2012
Les erreurs font le style, mais les maladresses ne font pas pour autant l’artiste. Par « erreur », entendre les écarts en regard de l’orthodoxie et des conventions. Le savoir-faire permet de gérer, quand les errements produisent de la création. Jean-Luc Godard rappelait que si la culture est la règle, l’art est l’exception. La poésie est circonlocutoire. Les grandes inventions ont souvent été découvertes en cherchant autre chose. En art, on atteint rarement la cible en visant dans le mille. L’artiste peut se croire incompétent lorsqu’une direction le dégoûte. Dans le rejet de l’existant, naissent ainsi des mondes. Rien d’étonnant à ce que certains en pâtissent, ostracisés par la norme. Tous en profitent. Ce n’est qu’une question de temps. Il est parfois cruel.
Jacques Perconte travaille la matière vidéo en lui faisant subir les sévices de la compression
low-tech. Il la pétrit, la broie, l’excite et la magnifie. Lors de ses expérimentations il corrige le rendu au fur et à mesure, pour se rapprocher d’une chose impalpable qui pourrait lui plaire. Nulle indétermination ici, mais le travail d’un sculpteur qui prend son temps, retouche sans cesse pour que l’œuvre apparaisse, un peu malgré lui, du moins il le croit, ou feint de le croire. La naïveté rassure ceux qui maîtrisent leurs outils. Certains font la cuisine en suivant scrupuleusement la recette, d’autres improvisent en recyclant tout ce qu’ils ont goûté, les plats qu’ils ont servis, selon l’humeur du jour, la saison ou les produits du marché. Les couleurs explosent sur l’écran.
À la
Galerie Charlot à Paris jusqu’au 24 mars, Jacques Perconte expose ses dernières compressions vidéo avant d’attaquer le cauchemar du prochain long métrage de
Leos Carax. À l’éblouissement de
Après le feu répond la sobriété de
Les Moutiers 2 21. Côte à côte, les deux œuvres projetées en grand jouent du couple tension-détente. Le diptyque formé par
Fontainebleau 2012 (ci-dessus) sur deux iPads presque synchronisés fait ressortir l’admirable précision des écrans Apple au service d’une peinture en mouvement. La dialectique s’installe quand l’artiste croyait y échapper. Au rez-de-chaussée de la galerie,
Côte d’Albâtre pâlit de la lumière du jour alors que l’obscurité convient mieux à la débauche psychédélique des paysages filmés en plans séquences. Sur
Vimeo, Perconte reproduit 79 vidéos de ses œuvres, la plupart impressionnistes. Toutes ont su le surprendre.