Première partie
Voici sur le papier la continuité que je propose pour la première partie du film. Cette première partie, annoncée comme les autres par un carton portant son titre sera la seule accompagnée d’une voix off (trop naà¯ve, à voir…). Le film ira en crescendo plastique. Cette séquence durera aux alentours de cinq minutes. Ce ne sont que quelques notes…
/ Ouverture : l’arrivée
Noir. Je suis un citadin. J’ai régulièrement besoin de prendre le large. J’ai envie de voir le ciel. J’ai envie de respirer. De sentir la terre sous mes pieds. Mais difficile d’arrêter cette machine ! Même si je viens là pour laisser tout ce qui me rattache à la ville, je n’arrête pas de penser comme si j’y étais.
En face de moi, à quelques centaines de mètres, un minuscule tracteur fait des aller-retour sur les hauts d’une colline. Le vent balaie doucement l’immense plaine qui me sépare de lui, quelques oiseaux passent.
Et quand je suis ce spectateur de la nature, que j’inspire dans ce paysage. J’essaie de lâcher mes épaules. Et de quitter ces impressions intellectuelles qui me tiraillent. Je ne suis pas venu pour lutter contre une machine infernale !
Deux magnifiques vaches normandes baignées dans un soleil chaleureux broutent sur les hauteurs face à la mer. On voit au loin quelques maisons qui forment un bourg.
Quand j’ai pensé ce film, je me suis dit que cela ne serait pas un film politique. Seulement malgré moi face à la magie extraordinaire de la nature, je sème des mots comme des graines, je fais pousser des idées armées. Cette terre, je me demande ce qu’on lui fait ! Tout ce qui se passe aujourd’hui mérite que l’on se révolte ! Mais je déteste la sympathique conversation. Et l’action que nous conduirons doit se faire au travers d’un éveil.
De petites vagues poussent doucement leurs écumes sur les vestiges des fondations d’une maison. Quelques mouettes jouent. Elles se laissent emporter délicatement d’une pièce à l’autre en profitant de la visite des courants. L’une d’elles saute d’une petite hauteur pour aller se poser dans un bassin.
Derrière un ciel strié des lignes électriques s’élève la fumée blanche d’un des quatre réacteurs de la centrale nucléaire. Les silos sont enterrés devant moi. Ils obstruent la perspective.
De l’autre côté, peut-être à deux ou trois kilomètres, presque loin de ces machines menaçantes, plusieurs bateaux jouent une régate au milieu d’un océan presque turquoise. Le soleil les découpe d’une façon étrange. Il est si fort qu’on croirait les bateaux découpés dans du papier et posés sur image. Ils glissent doucement. Se rapprochent et s’éloignent. La centrale, au loin derrière se rappelle dans la continuité de son impassibilité et la fumée continue de s’élever. Elle essaie de rester discrète.
L’horizon de la côte est remplacé par l’horizon des plaines. Dans l’immensité des cultures un tracteur surgit accompagné de dizaines des mouettes dansant et tournoyant autour de lui.
Dans un sous-bois le soleil perce les branchages pour m’éblouir. Le vent se balade dans les branchages.
Il y a quelque chose à trouver. C’est là en Normandie !
Noir. Titre. Impressions.
Une vague s’écrase sur la falaise. J’essaie de la filmer. La caméra ne bouge pas. Le vent souffle. Je souffle. Je fais quelques pas.
Le vent souffle doucement sur les hautes herbes. Un oiseau nous emmène au dessus de l’océan. L’à -pic de 100 mètres aussi étourdissant soit-il ne se manifeste pas par le danger qu’il représente, mais il fascine. L’oiseau vole et il captive le regard. Étourdis, on l’impression que l’univers se manifeste soudain à nous en rappelant que tout ce que l’ont voit là n’est pas réel, mais l’image tangible d’un ailleurs. La plastique du numérique tend l’image du film par les mathématiques. La visualisation dévie et l’image s’emporte quelques secondes pour nous rendre assez vite l’oiseau. Nous vivons un véritable saut quantique. Le temps s’étend. Nous changeons de dimension le temps d’un instant.