TGV Paris-Bordeaux, mardi 6 janvier 2009 : l’aube… Du noir aux marrons puis au blanc, au rouge et au jaune, la lumière de cette aube enneigée était étonnante. J’avais cette phrase de Guido Cavalcanti en tête. Je voulais la mettre en couleur. Je voulais filmer un paysage en mouvement, un paysage déplié, un paysage qui passerait dans notre coeur par le jeu de la matière fragile de la poésie picturale. L’ensemble du film collectif Le Passage 2009 fonctionne comme une sorte de cadavre exquis. Chaque auteur ayant reçu une citation et le titre d’un acte doit essayer de s’inscrire dans une continuité dont il ne connaît rien. Je ne me suis pas posé la question d’une potentielle continuité. Je suis parti sur le fait que j’ouvrais et fermais une fenêtre. J’ai décidé d’aborder ce projet le plus simplement possible ne me laissant guider que par l’inspiration. Je n’ai rien couché sur le papier à part la citation. Il fallait que j’ai une relation avec elle et que de là découle une histoire. Je ne voulais pas faire un film qui raconte la citation. Je voulais que le film soit un sentiment et une histoire associés à la citation. Qu’ensemble ils construisent quelque chose. Le film ne va pas sans le texte. Il ne le remplace pas. Il va avec. À ce moment, j’ai fait plusieurs voyages en train. J’aime voyager tôt le matin. Et j’ai eu ces aubes enneigées. Je les ai filmées. Et j’ai senti comment le film allait se dessiner. Je sentais dans le texte quelque chose de tourné vers le féminin. Quelque chose lié à une certaine nostalgie. Un sentiment amoureux soumis au manque, à la distance. Peut-être était-ce tout simplement ce que j’éprouvais en m’éloignant de chez moi et de ma chère amie. Peut-être est-elle à la source de ce film. Quoi qu’il en soit, ces émotions m’ont mis sur la piste des fils. Je voyais à partir de là le film comme un paysage se transformant en un flot de cheveux. Je voyais les branches horizontales et les troncs verticaux se mélanger dans une chevelure. Des aubes que j’ai filmées une m’a retenue. J’étais épris. Elle était dorée. Le film tend vers ce jaune. Il raconte la nature qui m’emporte, qui m’éblouit et qui noue des sentiments entre eux. Et cette histoire qui s’écrit, là où le vent ne plie pas, c’est quand le film se termine. C’est quand l’absence se tient bel et bien là et qu’elle ne se mêle plus à la poésie du paysage, au plaisir des yeux, à la sympathie de la situation. Trop loin entre ses cheveux et la nature qui se fondent si lentement, l’image s’efface et le son sature. Tout brà»le. Il faut laisser un peu de place au silence et au calme. J’ai passé quelques heures à essayer de caler un ralenti sur la séquence de cette aube. Je travaille avec after-effects. À partir de chaque image, la machine recrée des images intermédiaires pour nourrir le changement de régime. Bien sà»r recréer des images comme cela est facilement hasardeux. Alors, je me suis bagarré avec les réglages pour essayer d’obtenir quelque chose de décent, car j’ai filmé avec mon appareil photo sans préparation. Il y a des défauts assez amusants dans l’image. Finalement, les vagues d’erreurs qui surgissent dans les ralentis sont la véritable expression de cette extension du film qui ne peut pas naturellement s’étendre. Comme la compression exprime une lecture du monde, ici le ralenti exprime une idée du mouvement. Le bug n’est pas une erreur pour le logiciel. Cela ne devrait pas en être une pour moi.
http://www.technart.fr/LePassage/
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