Notes sur mon film le passage, réalisé dans le cadre du passage film festival 2009.
“And airs grown calm when white the dawn appeareth And white snow falling where no wind is bent . . . “
Guido Cavalcanti (1255, 1300)
L’ensemble du film collectif Le passage film festival fonctionne comme une sorte de cadavre exquis. Chaque auteur ayant une citation et le titre d’un chapitre doit essayer de s’inscrire dans une continuité dont il ne connait rien.
Je ne me suis pas posé la question d’une potentielle continuité. Je suis parti sur le fait que j’ouvrais et fermais une fenêtre. Mon dernier film était tourné depuis ma fenêtre dans le train. C’était une portion de paysage extraite de sa continuité. Bornée par deux gares. C’était un passage aussi. J’ai décidé d’aborder ce projet le plus simplement possible ne me laissant guider par l’inspiration. Je n’ai rien couché sur le papier à part la citation.
Quand j’ai reçu la citation de Guido Cavalcanti je me suis d’abord demandé ce que j’allais en faire. Finalement je n’ai pas cherché d’où elle venait exactement. Je n’ai pas voulu à la comprendre plus précisément que ce qu’elle me donnait frontalement dans cet anglais très soutenu. Il fallait que j’ai une relation avec elle et que de là découle une histoire. Alors j’ai pris un morceau de papier et je l’ai recopiée. Et je l’ai portée sur moi. Et à chaque fois que je pensais à ce projet je sortais le papier de ma poche. Et à chaque fois que ma main croisait ce papier alors que je n’y pensais la citation revenait se placer dans la suite des idées qu’elle avait commencé à faire pousser. Les mots se décollaient les uns des autres. Aube, blanc, calme, neige, vent, plié… Aube. Je pensais beaucoup à cela. Je ne voulais pas faire un film qui raconte la citation. Je voulais que le film soit un sentiment et une histoire associés à la citation. Qu’ensemble ils construisent quelque chose. Le film ne va pas sans le texte. Il ne le remplace pas. Il va avec. A ce moment j’ai fait plusieurs voyages en train. J’aime voyager tôt le matin. Et j’ai eu ces aubes enneigées. Je les ai filmées. Et j’ai senti comment le film allait se dessiner. Je sentais dans le texte quelque chose de tournée vers le féminin. Quelque chose qui lié à une certaine nostalgie. Un sentiment amoureux soumis au manque, à la distance. Peut-être était-ce tout simplement ce que j’éprouvais en m’éloignant de chez moi et de ma chère amie. Peut-être est-elle à la source de ce film. Quoi qu’il en soit ces émotions m’ont mis sur la piste des fils. Je voyais à partir de là le film comme un paysage se transformant en un flot de cheveux. Je voyais les branches horizontales et les troncs verticaux se mélanger dans une chevelure. Des aubes que j’ai filmés une m’a retenu. J’étais épris. Elle était dorée. Le film tend vers ce jaune. Il raconte la nature qui m’emporte, qui m’éblouit et qui noue des sentiments entre eux. Et cette histoire qui s’écrit, là où le vent ne plie pas (where no wind is bent), c’est quand le film se termine. C’est quand l’absence se tient belle et bien là et qu’elle ne se mêle plus à la poésie du paysage, au plaisir des yeux, à la sympathie de la situation. Trop loin entre ses cheveux et la nature qui se fondent si lentement l’image s’efface et son sature. Tout brà»le. Il faut laisser un peu de place au silence et au calme.