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Posté le 24 juin 2008 dans écrits / notes, Films, Hung Up, the happening -> lien permanent
Signaux Brouillés

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Je me suis lancé dans une suite d’expérimentations sur des signaux assez communs. Les deux premiers films que j’ai réalisé dans cette série sont : « Hung Up » qui est le détournement d’un clip de Madonna et  » The Happening » qui est le détournement de la bande annonce du dernier film de M. Night Shyamalan. Depuis le début de cette approche du signal, c’est à  dire, du flux d’image dans le monde par la musique (le clip avec Madonna qui ne m’intéresse pas forcément à  priori) et avec l’image du cinéma (le signal du film que j’attendais), je me demande un peu ce que je suis en train de faire. En fait, j’ai suivi mon instinct.

Un matin, je me suis réveillé avec cette idée de travailler une vidéo de Madonna comme j’avais travaillé le paysage. Au départ il n’y avait pas d’autres intentions. J’avais simplement envie de voir et de regarder comment la matière de l’image très connotée allait réagir. Je n’ai pas passé beaucoup de temps à  chercher quel clip de Madonna j’allais travailler. Quand j’ai découvert celui-là , il m’a semblé évident qu’il fallait que j’essaie. Je n’ai pas trop écouté les paroles, mais le titre me plaisait beaucoup. ‟ Hung Up ” : suspendu : suspendu à  quoi ? Au téléphone ? À la vie ? Moi d’emblée j’ai vu Madonna suspendue à  son statut d’icône. J’ai vu le clip comme un espace où le monde se déréalisait image après image. Un espace où comme dans celui des icônes, chaque élément était codifié de façon à  ce qu’il soit une image de la réalité sans jamais la remettre en doute : ce n’est pas le monde, c’est le clip. J’ai aussi pensé à  la couleur suspendue à  l’image, aux corps suspendus dans l’écran. Il ne me restait plus qu’à  souffler une certaine transcendance.

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De ce que j’ai fait sur le clip de Madonna, j’ai surtout retenu la force de l’apport pictural. En effet il y a l’histoire Wharolierne de la figure iconique. On peut aussi fantasmer sur la question du masque et de l’image. Mais ce que j’ai vu c’est que le clip ainsi modulé avait pour moi plus de force. Le travail plastique n’a finalement pas tant engagé de problématiques. Comme j’ai laissé la musique brute en place le film qui résulte des transformations reste toujours le clip de Madonna, mais augmenté. J’ai simplement designé une sorte d’amplificateur. J’ai orné. J’ai décoré.

Le film en tant que tel est assez frustrant pour certains puisque le rythme est assez soutenu, les images ne restent pas longtemps et les surfaces picturales passent très vite. Alors qu’on pourrait vouloir s’attacher à  l’image elle fuit. Lors d’un conversation Pip Chodorov m’a dit qu’il n’aimait pas ce film parce que je l’obligeais à  regarder quelque chose qu’il n’avait pas envie de voir: le clip (il y en a d’autres qu’il aime). Qu’il regrettait l’absence de sens : « la peinture » du clip tel quel ne construit pas de discours. je suis tout a fait d’accord avec lui. je ne construit pas de discours critique sur l’objet. Du moins pas formellement.

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Donc le film fonctionnerait de deux façons : de manière positive sur ceux qui ne sont pas gênés ou ceux qui aiment bien le fond (je n’ai pas rencontré de fan) et chez qui la touche ajoutée a pour effet d’amplifier de faire décoller certaines émotions. Ils sont fascinés par l’image. Et de manière plutôt négative, rebutante pour ceux qui seraient frustrés que je traite le film tel quel. Pip me suggérait de ne m’attarder que sur quelques secondes du clip, de reconstruire de mettre en, avant certaines formes, de pousser plus loin…. Mais ce n’est pas ça l’histoire que j’ai envie d’écrire là . Je traite le clip comme un signal.

Hors du film les tirages photographiques sont forts. Extraits de ce clip ils se positionnent clairement comme des éléments critiques loin du flux. Je digère, je laisse le temps faire. Je ne veux pas retourner la chose dans tous les sens. Je traite le signal comme le paysage.

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Quand j’ai entendu que M. Night Shyamalan allait sortir un nouveau film au mois de juin de cette année, tout de suite je me suis dit qu’il fallait que je réagisse. Le film s’appelait ‟ the happening ” : l’évènement. J’ai voulu faire évènement en sortant une version « brouillée » de la bande annonce avant que le film ne passe sur les écrans. La question s’est reposée : Mais qu’est ce que je cherche. Il n’y a pas de projet de film comme il y a souvent. Ce sont juste des envies, des réponses à  des signaux.

Bref quand j’ai sur pour le film, j’ai tout de suite cherché la bande annonce. Je me disais :  » Est-ce que si je la travaille, elle fera plus peur ? (Comme je fais des amplificateurs ?) »

Je me suis décidé tard à  voir les films de M. Night Shyamalan. J’ai été très surpris par son univers, pars son discours, par la force de son cinéma. Quand j’ai commencé à  avoir envie de faire une série de films sur les images du monde des médias î télévision, musique, cinéma, je pensais prendre une position plutôt agressive. J’ai travaillé il y a quelques années sur Sergio Leone, sur Fellini. Je pensais cette fois ci plus attaquer l’image et ce qu’elle met en scène…

Mais finalement ce n’est pas très juste. D’une certaine façon j’aime ces images. Et puis je porte la critique littérale à  haute voix la plupart du temps. Alors que se passe-t-il là  ? Qu’est ce que porte ce brouillage du signal ?

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J’ai traité « The happening  » comme une seule scène, j’ai travaillé à  l’envers et à  l’endroit pour travailler le rythme écrit par les noirs et les fondus au noir . J’ai transformé ces silences – vides d’informations en plein, en tas d’artefacts des images passées et à  venir. La bande annonce se déroule et s’enroule. Les gens ont peur, il se trame quelque chose, il faut fuir, on perd le contact…. l’image se brouille.

Je prends les choses telles quelles, je les passe à  la moulinette. Elles gardent leur dimension hautement symboliques mais elles ne sont plus ce qu’elles étaient. D’une certaine façon c’est simplement une appropriation de cette matière. ces mondes qu’on m’impose et qu’on veut que je consomme, je les happe et les digère. je les régurgite refaçonnés et brouillés. mais le brouillage n’efface pas le sens. je le protège ce sens parce que ce que je signale par ces gestes c’est que ces images parce qu’elles se jettent dans le monde, doivent perdre leur sacre. Et les miennes qui les prend ? Ais-je la latitude « morale » de les laisser se faire déboussoler ? Si on les prends ces images et qu’on les bidouille, comment jugerais-je de leur nouvel état ? De leur nouvelle propriété ? De mon côté je n’approprie le propriété, c’est mon clip de Madonna, je gratifie ma production de sa source. Le générique original est brouillé comme l’image, il appartient au signal. Idem pour « The Happening »… la paternité reste là , je n’accole aucun nom, aucun générique dans le déballage… Et quelle sera leur vie ? Je ne sais pas.

Voilà  quelques notes sur ces recherches pratiques expérimentales qui poussent dans mes productions en ce moment… Ce n’est très clair. C’est un premier jet. Ce sera avec plaisir que j’en discuterai….

Hung u p a little more, HD, 5’32″, 2008 | video originale et musique / Madonna; Confessions on a Dance Floor / 17.12.2005 Shirland Road, London, England © Madonna / Warner Bros / Stuart Price / Johan Renck
The Happening, HD, 2’33″, 2008 | Bande annonce du film de M. Night Shyamalan.

 

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