Il faut bien comprendre que voir une image, quelle qu’elle soit, c’est voir des milliers de choses. C’est parce que nous sommes capables de relier toutes ces choses (sans nous en rendre compte) que nous pouvons comprendre ce que nous voyons.
Nous sommes tout le temps confrontés à des images. Quand je vous vois, même si je suis face à vous, je vois une image de vous. Je ne vois pas à l’intérieur de vous, je ne vois que votre image, que l’image de l’environnement dans le quel vous êtes.
Pourquoi je dis cela ? Parce que comme face à une photographie ou à un dessin, vous voire c’est la somme de quantités de visions. Je décode toute une quantité d’informations qui mises bout à bout m’expliquent ce que je vois et me permettent d’en tirer des conclusions.
Une image c’est d’abord un contexte : une vision, une photographie, un dessin, un film… Ce contexte est complexe. Par exemple, je ne percevrais pas de la même façon la même photographie tirée sur un beau papier neuf ou sur un papier jaunâtre qui lui donnerait l’impression d’être vielle. Je ne percevrais pas de la même façon la même image imprimée sur une feuille ou collée sur un mur. De temps en temps cela peut paraitre évident mais c’est important de se rendre compte de la nature de ‟ l’objet ” qu’on voit.
Ensuite l’image c’est un cadre. Quand on la fabrique, on choisit de montrer une partie de ce qu’on voit. D’abord parce qu’on ne peut que difficilement tout montrer et ensuite parce que quand on fabrique une image, c’est pour montrer quelque chose. Les images ne sont jamais objectives. Il est toujours question d’y dire quelque chose. Une image c’est un texte.
En premier c’est le cadre qui délimite une partie de la réalité. C’est l’espace dans lequel on donne l’image à regarder. Dans notre civilisation occidentale, et ce depuis la Renaissance, ce cadre est pensé comme une fenêtre par laquelle le monde est donné à voir. Ce cadre est donc majoritairement rectangulaire, horizontal ou vertical.
Le cadre horizontal est considéré comme synonyme de calme, de distance alors que le cadre vertical se situe plutôt du côté de la proximité et de l’action.
L’image est composée dans le cadre. C’est-à -dire qu’e l’on choisit de quelle manière on place le cadre pour organiser l’espace.
Il ne faut pas oublier que toutes les règles de notre culture sont liées. La gauche est associée au passé, la droite au futur. Le bas c’est la terre, le matériel, le haut, c’est l’air, le ciel, la spiritualité. L’image peut se découper selon quatre lignes situées environ au tiers de l’image (proche du nombre d’or) dites lignes de force ; les intersections de ces lignes sont les points de force. Ils peuvent être utilisés pour positionner les zones clefs de l’image.
Nous pouvons écrire l’image en utilisant ces savoirs. Nous devons être conscients de notre culture pour en déduire le langage des images.
La lumière, la couleur, le noir et blanc sont encore d’autres soutiens à l’écriture. Une prise de vue en noir et blanc traduit un choix esthétique ou une volonté de situer l’action dans le passé. Cela est vrai aujourd’hui parce que la couleur existe et que le noir et blanc c’est inscrit dans le passé de l’image. Un éclairage solaire crée une sensation de naturel alors qu’un éclairage artificiel fort théâtralise une scène. De même, un traitement pastel des couleurs nuance une image qui serait dynamisée par un contraste important ou une grande vivacité des teintes.
Le flou est aussi un élément narratif : il peut raconter un mouvement, mettre en avant la vitesse, parler du déséquilibre. La profondeur de champ (premier plan et arrière plan flous, sujet principal net) permet de détacher le sujet de son environnement. Contrairement au net qui inclut le sujet dans son espace.
La position de l’appareil de prise de vue par rapport au sujet est également inductrice de sens. Une prise de vue de niveau sera synonyme d’objectivité (équivalente au regard du spectateur). En plongée (l’appareil placé au-dessus), le sujet sera écrasé alors qu’il prendra plus d’importance en contre plongée (appareil placé en dessous).
On peut amplifier ces choix en identifiant l’appareil de prise de vue pour donner un effet de vécu (angle de prises de vue mais aussi flous, cachés, tremblant signifiant la peur, déplacements rapides de l’appareil pendant la course d’un personnage,…) en opposition à une approche distante et maitrisée, la plus naturaliste ou théâtrale possible.
Il ne faut pas oublier de parler du champ. Il peut être amputé. On peut signifier une absence par l’écriture. C’est le hors-champ. Le champ est l’espace du †réel †choisi par le cadreur. L’espace environnant mais non vu dans l’image est appelé hors-champ. Cet espace que divers indices peuvent nous aider à construire mentalement (regard, son, …) se mêle à l’image vue pour produire du sens.
Je le redis, l’image est son contexte : son lecteur, son support, son titre, son texte, ses associations… Imaginons une photo de citrouille ! A cette photo, on peut associer : la photo d’un pot de crème fraîche – la photo d’une Rolls Royce – Le mot Cendrillon – Dans chacun de ces cas l’image sera lue différemment.