Comment on attaque sa journée? On s’extirpe du repos, posés au chaud, bercé et souvent dorlotés, on décide d’aller ailleurs. On se lève pour démarrer une journée, souvent pour aller travailler.
J’ouvre les yeux, je glisse du lit en éteignant mon réveil-téléphone. J’allume mes deux machines à calculer des pensées et je pars au fond de l’appartement. En ce moment vu le froid, je commence par me préparer quelque chose de chaud, souvent une tisane (anis, cannelle, fenouil, gingembre, réglisse, gingembre î en sachet). Puis vient la douche, quelques secondes chaude puis j’ouvre la fenêtre pour sentir l’air encore plutôt agréable (moins de pollution vers 6am?) et ensuite froide. Respirer cette fraicheur fait circuler l’énergie. Quand je sors j’ai laissé dans les tuyaux tout ce qui a pu avoir de noir dans la nuit. Je suis réveillé et prêt à faire. Je m’installe et bois ma tisane chaude.
Ce matin Isabelle est réveillée. Je lui mets une conférence d’Hubert Reeves pendant que je me dénuite. Hubert quand il parle des étoiles même s’il est passionnant sait bercer. Elle se rendort.
Il raconte à quel point c’est incroyable de savoir ce qui se passe sous nos yeux. Nous sommes composés de milliards de milliards de particules organisées et d’un coup nous leurs ordonnons de prendre conscience, car en nous réveillant nous entendons tout notre corps se mettre en marche. Et nous sommes sur leur point de leur commander de se lever. Chose qu’elles feront toutes sans désordre. Trop souvent cette sensation de présence se fait dégager par le mental qui rappelle de ce qui le contraint. Le corps est vite levé est oublié.
Nous vivons à côté de notre corps. J’ai du mal à m’incarner. Trop dans la tête. Pas vous? Et ca mène à quoi? A croire que la société a besoin d’encore plus d’interfaces plus justes, moins de corps trop dérisoires et difficiles à contrôler. Beaucoup au réveil ont le réflexe de l’information. Il faut se reconnecter au monde. Que s’est-il passé dans la nuit ? Qu’est il arrivé hier que je n’ai pas su ? Ou en est l’histoire que j’ai laissée hier ? Nous sommes je crois la civilisation de la projection. Nous projetons toute l’énergie qui nous habite contre un écran pour y voir une vie qui semblerait nous convenir. Du coup nous modélisons nos comportements en fonction de ces aprioris pour avancer vers cet objectif d’être qui nous fait envie.
Le matin, j’aime la transe de la musique, la balance d’un rythme qui fait tourner mes sensations. Mais j’aime aussi beaucoup le vide, le silence. Cet été j’ai réussi à m’accorder durant une bonne dizaine de jours des réveils en yoga. Trois quart d’heure d’exercices pour sentir mon corps et mon coeur avant de m’échapper… mais c’est ma vie affaiblie par les pressions du travail qui m’a fait arrêter. J’ai décidé un jour de ne plus faire ça tous les jours et de me reposer sur le rythme de la rentrée qui s’annonçait avec l’arrivée de septembre. Faiblesse que de laisser cet engagement quotidien qui écrivait la discipline nécessaire pour changer pour se rassurer d’une pratique régulée par les cours collectifs bi hebdomadaires. Pour me réconforter je me dis que ce n’était pas le moment, mais je sais que c’est moi qui ai glissé.
Pourquoi changer ? Pour arriver à être en accord avec moi-même au-delà de toute pensée, pour être débarrassé de ce que toutes les nuits noires ont laissé et que les douches n’ont pas dégagé. Pour ne plus me sentir guidé par mes faiblesses de consommateur. Pour ne plus réagir mais agir. Pour ne plus être susceptible ni agressif. J’espère que vous entendez de quoi je parle. Je parle de ces attitudes qui nous font boire du café sucré au réveil, qui nous font nous protéger des autres au lieu de s’en dégager et de celles qui nous font attaquer les autres par jalousie et égoà¯sme. De ces comportements qui font que nous avons réussi à construire une société ou l’être humain ne peut plus être libre s’il ne se bat pas. Et parce qu’il doit se battre quotidiennement, il a besoin de force. Mais il ne doit pas être en colère ni aigri par quelque soucis qui lui ronge l’estomac.
Je vous ouvre mon premier quart d’heure (à peu près premier). Ce premier quart de temps où la pensée la plus lourde que j’ai combattue concernait le savon qui glissait.