Ballade réalisées dans le cadre du projet Entre le ciel et la terre.
Ce que je vais raconter ici n’est pasà proprement dit le récit d’une balade. Tout au long de mes sorties et de mes déplacements j’ai développé sur ce projet une histoire photographique avec l’horizon. Il y a beaucoup d’images que je n’ai pas reportées dans le fil de ces notes qui manifeste ce jeu entre le ciel et la terre dans le regard que je rapporte de mes voyages. L’horizon est une Ligne imaginaire circulaire dont l’observateur est le centre et où le ciel et la terre (ou la mer) semblent se joindre.
J’ai beaucoup croisé de paysages où les volumes étaient loin de moi, où devant moi, à perte de vue s’étalaient des verts et des marrons de temps en temps parsemés de lignes grises ou noires, routes, clôtures où lignes électriques. J’ai envie de m’installer dans ces images quand je les croise, j’ai envie de passer du temps à les contempler. Quand je ne peux pas î parce que si je le faisais à chaque fois, je ne ferais plus que ça î je fais des photographies, même au volant parfois, à travers le pare-brise, parce que la route me conduit au coeur de ces images.
J’ai particulièrement composé des images où le ciel occupe la plus grande partie de l’image. Je l’ai fait naturellement et puis à force j’ai commencé à le faire exprès. C’est l’impression que j’ai envie de renvoyer, ce qui me touche le plus ici : ce lien fort que j’ai avec le ciel. Dans une notre précédente j’écrivais : ‟ J’ai beaucoup cadré les images que j’ai prises en faisant en sorte de donner très peu de place au sol et d’ouvrir un maximum le paysage dans son rapport au ciel. C’est ce que je ressens ici. La terre est relativement plate. Les quelques figures verticales semblent minuscules par rapport à l’immensité de la vue. Je me sens pas très grand, tout semble à la fois loin et proche. Avec des espaces aussi dégagés la lumière fait mouche quand elle éclaire une forme. Le contraste avec la ville nouvelle est terrible. Théoriquement c’est peut-être une réussite, mais commet l’homme peut- il se sentir un élément de la nature là -bas? Ici, on n’est que ca. Et avant tout on se sent quelque part au sein d’une réalité matérielle. En ville on sent avant tout localisé dans une entité sociale, élément d’une pensée humaine, partie d’une réalité abstraite. On n’a pas les pieds sur terre. L’histoire est déséquilibrée. Peut-être que la ville n’a pas la forme qu’elle devrait. ”
Certains peintres se sont concentrés sur ce rapport que l’on peut avoir avec la nature, cette relation que l’on peut écrire avec quelques uns des sentiments les plus élevés que nous avons en nous. Ils y ont travaillé parce qu’ils se sentaient inexorablement attirés par cette puissance mystique qui les fascinaient. ‟ Il n’y a guère que le sublime qui puisse nous aider dans l’ordinaire de la vie. ” a écrit Alain dans les Préliminaires à l’esthétique. Il est impossible de reconnaître la sublimité de quelque chose sans qu’on n’en soit affecté. Le sublime renvoie à ce qui donne sens à la vie non pas à ce qui permet la vie, il nous ouvre sur ce qui serait vraiment la vie, et nous arrache par là même à ce qui ne l’est réellement… Joshua Reynolds : Le sublime, en peinture comme dans la poésie, submerge l’esprit et s’en empare à tel point qu’il n’y laisse pas de place à la critique des détails.
Alors devant le paysage que je regarde je pense au sublime, je ne le cherche pas, j’y pense. La contemplation ne cherche pas le détail de la scène mais essaie de réunir le tout de ce qui se dégage. L’horizon est le support au sentiment. Il s’appuie sur la terre et s’étend dans le ciel. Cette balade dans les horizons rapporte ces tentatives de décrire ce sentiment. Mais quelque part il est certainement intimement lié à la plupart des images que j’ai ramenées. Cette balade est la balade des horizons. Cette ligne qui soutient la passion.
J’aime à penser que dans chaque oeuvre d’art, dans chaque tentative de création conduite par l’intention de donner quelque chose de fort aux autres il y a une touche de cette chose qui fait le sublime. C’est ma conception personnelle. Je n’ai pas une pratique fondamentalement politique, si elle en prend la forme c’est parce qu’à mon sens il est nécessaire d’affirmer ou du moins d’exposer cette envie que certaines créations soient là réellement pour offrir aux autres quelque chose qui leur donnera plus de force. Le sublime est de ces forces. De ces balades sur les horizons et au travers des paysages c’est ce qui ressort. Ce que j’aurais envie, plus que de faire et de montrer, de partager ces moments dehors au soleil où le projet n’est pas là et où moi je prends du plaisir à être là et pas tendu par une logique implacable liée à la vulgaire nécessité d’agir sans cesse. Conditionné par la place que je veux occuper dans la société.
Et tout cela me ramène encore à l’histoire du trou. Qu’est ce que je joue ? Je creuse à la recherche de cette portion de sublime, de fluide subtil, d’impondérable remplissant les espaces situés au-delà de l’atmosphère terrestre, au-delà de la matière, d’éther. Je creuse pour trouver ici sur terre, sous l’horizon, ce qu’il y a de magique dans l’art au-delà de la pensée et de la culture et l’exposer… Je cherche un trésor.
Originalement posté sur le blog dédié au projet Entre le ciel et la terre : Evry-Essonne . Entre le ciel et la terre, résidence de création au Théâtre de l’Agora, scène nationale d’Evry et de l’Essonne / festival siana 2007.Théâtre de l’agora. Entre le ciel et la terre, du 14 au 31 mars.