Franck Senaud: Vous commencez par « Dans le contexte presque nécessairement innovant des nouvelles technologies, je vais me contenter de me positionner comme un utilisateur quelconque. » En quoi les nouvelles technologies sont innovantes ?
Jacques Perconte: Ce ne sont pas les nouvelles technologies qui sont innovantes, ce sont les contextes dans lesquels elles sont questionnées….
La pression de l’innovation impose souvent les nouvelles technologies comme solution. La pression des nouvelles technologies impose souvent l’innovation comme positionnement : résultat : on est souvent à côté de la plaque.
Je ressens qu’il a un problème assez largement partagé lié aux rapports à la technique et à l’innovation. Soit parce que la technique fascine trop est qu’elle devient le jeu qui permet de ne pas s’ennuyer , de discuter avec les copains, de fasciner ceux qui ne maîtrisent pas la technique. Ou soit parce que l’innovation est porteuse et qu’innover ou annoncer l’innovation aveugle souvent. C’est la compétition. Mais la compétition est formelle… qui comprend de quoi je parle ? il n’y a pas de fond. C’est cela à mon sens ce qui ne va pas. Il y a trop de formel, pas plastiquement, je m’entends, je ne dis pas qu’il y a trop de formalisme plastique ! je dis qu’il y a trop d’effets de technique, que le style plastique disparaît, que l’oeuvre s’efface pour l’innovation, même le souci de l’oeuvre s’efface derrière le soucis d’innovation.
F. S.: Qu’est-ce qu’un utilisateur quelconque dans votre proposition ?
J. P. : Quelqu’un qui utilise ce qui existe, qui essaye de se l’approprier comme ça en bidouillant. Je ne développe pas grand-chose qui serve réellement l’oeuvre. J’utilise flickr, google maps, des services grands publics. Je préserve leur mises en pages, leur logos dans le rendu de mon travail. Je ne cherche pas a détourner les services, j’utilise les outils tels quels. Comme n’importe qui qui s’en servirait. C’est-à -dire – suite à la question suivante, c’est que je ne cherche pas à utiliser les outils de façon innovante. Là n’est pas la question.
F. S. : Je « feuillète » votre blog technart et la série d’images que vous avez faites sur le territoire alentour: comment choisissez vous ces lieux, il semble que les formes satellites vous guide, selon quel feeling ?
J. P. : C’est une question qui s’écoule tout au long de ce travail. Qu’est ce qui se passe quand je survole les images satellites de mon regard ? qu’est ce qui fait que tel ou tel lieu me fascine et pousse mon envie jusqu’a planifier un voyage in situ ? Qu’est ce qui me fait traverser des champs de boue pour aller voir un arbre ?
C’est que je suis à la recherche d’un trésor…. la grande difficulté à répondre réellement à cette question est qu’elle en cache une autre. Je crois d’ailleurs que c’est le fond de cette oeuvre que je présente à Evry.
Ce qui en ressort : qu’est ce que c’est ? C’est la même question qu’une élève de cm² m’a posée en regardant un extrait du film Rivers and tides sur Andy Goldsworthy… On voit Andy, merveilleux artiste du land art sculpter de la glace a main nues… elle me demande : pourquoi il fait ça ? A quoi ca sert ?.. Comment répondre ? a quoi ca sert l’art ? a quoi ca sert la vie. Réponse de Yogi Bhajan : « Ce n’est pas la vie qui importe, c’est le courage que vous lui apportez… « .
Interview par Franck Senaud, Prefigurations.com / extrait de : Dans le contexte presque nécessairement innovant des nouvelles technologies / n° 32 Mars/Avril 2007 / revue bimensuelle gratuite, disponible sur Internet uniquement. Son but est d’organiser la rencontre entre les arts de narration (théâtre, peinture, cinéma, BD, danse, poésie…), elle propose ainsi, à chaque numéro l’analyse originale d’un thème (la nuit, le vraisemblable, les arts naà¯fs…) par des spécialistes de tous horizons ainsi que la découverte de jeunes artistes présentant leur oeuvres.