La croyance selon laquelle l’individu précède la société a pour effet de séparer l’avoir de l’être et de rendre impensable leur articulation. Les plus et les moins qu’entraîne la circulation des biens se comptabilisent en avoirs; l’être, lui, est réputé hors économie, il est censé constituer un noyau stable qui réside au coeur de la personne. Celle-ci, dans la mesure où elle partage une telle idée de soi, s’imagine affranchie du désir d’être et des fluctuations entre plus-être et moins-être. Elle s’identifie au sujet rationnel, à l’Homo economicus, ce qui présente l’avantage de remédier en idée au manque d’être auquel, comme tout le monde, elle est exposée en fait.
Le paradoxe de Robinson, François Flahault, Mille et une nuits, 2005