Al Christopherson, président du syndicat agricole du Minnesota fait partie de ceux qui se sont massivement mobilisés contre les accords de Kyoto. Il exploite seul avec sa femme une ferme de taille moyenne. Pour cela, il utilise à plein rendement plusieurs machines énormes qui sont très gourmandes en énergies fossiles î non renouvelables. Le tracteur dont il semble si fier î qu’il parade devant la caméra dans le reportage que j’ai vu î consomme 200 litres de gasoil par heures… ‟ Pour nous le problème du protocole de Kyoto, ce sont les conséquences. Les experts disent que cela provoquerait une augmentation de 25 à 50% du prix de l’essence. Avec les marges qu’on fait et vu ce que l’agriculture américaine consomme en énergie, et bien ça aurait de terribles conséquences sur notre niveau de vie. C’est vrai ici aux Etats-Unis, il est vrai que l’on consomme beaucoup d’énergies fossiles, mais il faut dire aussi qu’on nourrit une grande partie d e la planète. En ce qui concerne l’état du Midwest, je dirais en tout cas que nos plus grands concurrents sont le Brésil et l’argentine. Le fait qu’ils ne soient pas pris en compte dans le protocole de Kyoto rend la pilule encore plus amère pour nous.”
Je ne vais pas faire un point sur la situation économique américaine et sur les conséquences des accords de Kyoto s’ils étaient appliqués. Mais son tracteur est impressionnant, et il consomme beaucoup. J’ai eu une drôle d’impression en le voyant. Je me suis demandé : ‟ mais pourquoi, il n’emploie pas des gens au lieu d’utiliser ces énormes machines ? ” Ils parlent de crise économique si l’essence augmentait ? Ils font tout pour ne pas bouger. C’est impressionnant à quel point l’économie est fragile et combien le temps nous mène vite vers le point de rupture.
On entend qu’il faut que les gens changent d’attitude dans ce film : que, pour que le protocole de Kyoto soit ratifié, il est nécessaire que certains, nous entre autres, acceptions de réduire nos consommations d’énergies. Les américains, ceux de la terre, de la droite, de l’establishment montrent clairement qu’ils n’ont pas de vision à long terme (ni à moyen terme d’ailleurs). Et je ne parle pas d’économie. Ils se sentent parfaitement heureux, bénis, et libres.
Mais sommes-nous capables de voir à une échelle qui dépasse celle de notre simple existence ? Et même capables de comprendre ce qui se passe en nous et autour de nous à courts termes ?
L’échec du Protocole de Kyoto rappelle a quel point les hommes sont égoà¯stes. On aura beau prétexter la complexité de la situation et à vouloir échapper à la réalité, mais la réduction de cet évènement à la conclusion d’un égocentrisme manifeste n’est pas discutable. Bien sur que des accords internationaux sont importants, mai sil est évident que cela ne doit pas se confondre avec des solutions nationales. Il est question d’écologie, mais aussi d’écologie économique, il ne s’agit pas de freiner mais de penser une consommation, de penser une production, de prendre du temps et de faire en sorte qu’il n’y ait plus de pertes inutiles, plus de choix stupides.
Avez-vous remarqué à quel point la quantité de champs de maà¯s a augmenté ? Qui consomme tout ce maà¯s ? La génération précédente ne cultivait pas autant de maà¯s, certes il y avait des céréales, mais pas qu’une, et pas autant. Et elle était essentiellement cultivée pour les besoins propres de la consommation des animaux élevés… Le maà¯s est peut-être une des causes majeures de la surconsommation d’eau en France. Rien à avoir avec Kyoto ?
C’est le même problème : les choix ne sont plus relatifs à une économie de suffisance, mais à une économie de production. On ne produit pas parce qu’on aime ou qu’on a besoin de produire, on produit pour vendre et capitaliser. On ne rend pas services pour rendre service, on capitalise un temps de service pour le vendre.
On ne partage pas. C’est certainement la raison pour laquelle ce Christopherson aura choisi ses énormes tracteurs qui consomment énormément d’énergies fossiles. Le coà»t n’a peut-être pas beaucoup de rapports avec celui qu’aurait eu le choix de l’emploi. Mais ce faisant, il participe à la capitalisation par l’investissement et la production et ne participe pas à l’énergie économique qu’aurait eu l’emploi : son pouvoir d’achat aurait été réparti et même peut-être diminué. Mais il ne polluerait pas, et il aiderait d’autres à travailler.
Et si dans ces conditions, il ne pouvait plus tenir ses objectifs de vente pour rester sur le marché ? A ce moment là pourrait se poser de la question de la réalité et de la pertinence de ce marché, qui le mettrait, lui avec ses terres et ses employés face à l’impossibilité de se nourrir en ne cultivant que du maà¯s. A ce moment-là , peut-être qu’ils devraient cultiver autre chose, pour se suffire avant de pouvoir surproduire ce qui ne leur sert pas.
Illustrations et extrait de l’interview d’après Climat : histoire d’une guerre secrète. De Claire Denavarre et Edouard Anspach, production : Doc en Stock /arte France, 2003. Signé par près de 180 pays en décembre 1997, le protocole de Kyoto n’a toujours pas été ratifié par les principaux pays pollueurs – notamment les États-Unis. Comment expliquer cet échec ? Coups bas, manipulations, lobbying… récit d’une grande bataille climatique, politique et économique….