Pour traverser ce film, il faudra glisser sur les supports et les registres, faire valoir la matière et le langage.
Chi Ocsha se veut être une forme de panorama de l’image à travers lequel se ballade Artemisia.
Dans Chloé, il était question de mettre en place un système de fenêtrage et de travail sur le cadre afin d’essayer de créer une narration propre au support en parallèle avec celle du film, ce qui permettait de déplacer les nouvelles esthétiques associées aux supports numériques vers le cinéma comme une forme linguistique et non comme simple illustration.
Ce film nécessite des temps de montage et de post production très longs.
« [...] C’est une histoire, une belle histoire. Une suite de petits moments, de souvenirs, qui ne s’estompent pas, simplement parce qu’ils sont ancrés au plus profond de nous, et que rien ne peut les effacer. Des fois ils disparaissent quelque temps puis, ils reviennent nous réchauffer l’âme quand quelque chose nous manque. Ces images existent. Ces moments existent. Mais tout ça ne vit plus que dans mon petit coeur. Et si je l’écris, c’est pour y repenser. Pour les réinscrire dans ma vie. Pour les revivre. » (Extrait d’un monologue de Chloé). Comme elle le dit, dans le film, les images sont sans cesse fragmentées, découpées, entrecoupées, mélangées…
Dans Chi Ocsha, il n’est pas question de mettre tant la figure en avant, même si elle est très importante elle devra rester en retrait et servir réellement de support à l’histoire sans la complexifier.
De même que la forme s’accommode à l’action et se métamorphose selon les registres qui sont convoqués (fiction, documentaire…), le choix du support ne sera jamais laissé au hasard ( 35mm, super 8, Dvcam, MiniDv, Beta, VHS…)
Par exemple, lorsque nous suivons Artemisia à quatre ans, au bord de l’océan avec son père, nous naviguons dans un de ses souvenirs qui n’est rien d’autre qu’une fabulation. Nous sommes complètement plongés dans la fiction, nous allons donc la filmer en pellicule et l’illustrer d’un mouvement tel un travelling puis un panoramique :
Séquence -001 î
Extérieur | jour.
Amérique latine, fin d’après midi, sur la plage.
- Artemisia, 4 ans, maillot de bain.
- Dan Skarss, 32 ans, treillis foncé et une arme automatique en bandoulière.
(En Espagnol) Voix off, Artemisia petite fille.
Artemisia Mon père, Dan skarss est né en Allemagne dans les grandes forêts de la Bavière, je vous avouerai que je ne sais pas exactement en quelle année, mais ce n’est pas vraiment très important. Il a vécu dans une famille assez riche, je crois qu’il était orphelin…
D’une certaine façon, un peu comme nous.
-> Travelling vers Artemisia
Artemisia au bord de l’océan, mer calme.
-> gros plan î panoramique très lent
Artemisia a les pieds dans l’eau. Elle se penche pour ramasser un coquillage, ses cheveux lui tombent sur le visage, elle porte une main pour se découvrir les yeux et se relève, elle sourit. Son père, un homme très impressionnant arrive derrière elle, il se penche et lui embrasse le haut du front. Il se redresse et continue son chemin.
-> Travelling arrière
Artemisia se penche de nouveau vers la mer et y replonge la main, elle farfouille un petit peu plus longtemps que la première fois. Elle se redresse et sort une balle de 65mm | insert de la balle |de l’eau, elle la tend et la regarde.
-> gros plan î panoramique très lent
Elle la fait tourner. Elle baisse les bras et ferme les yeux.