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Posté le 26 mars 2011 dans 38degres, I love you -> lien permanent
Sylvie Carlier Et Damien Chantrenne :
L’amour Sous Toutes Ses Coutures

Extraits du journal (en vente à  l’exposition), texte des commissaires Sylvie Carlier et Damien Chantrenne pour l’exposition AMOURS, un été contemporain, du 26 mars au 18 septembre 2011 au Musée Paul Dini

L’amour, comme ‟ désir ”, a inspiré les artistes de toutes les disciplines créatives. Dépeint avec humour ou gravité, ce sentiment d’attachement est un thème de prédilection dans l’histoire de la peinture et de la sculpture, par la représentation de situations amoureuses ou par la symbolique ou l’allégorie, faisant intervenir des personnages mythologiques ou historiques î Salomé, Vénus, en particulier. Il incite l’artiste contemporain à  adopter un comportement, plus ou moins rationnel, l’entraînant principalement à  exprimer la tendresse, la passion, le dépit, vis-à -vis de l’objet sur lequel il porte.

L’exposition présente l’amour dans l’art contemporain sous ses aspects les plus variés (de la lettre d’amour à  la figuration de l’être aimé, en passant par l’image du désir ou du plaisir charnel) et dans des modes d’expression tout aussi éclectiques (installation, peinture, photographie, vidéo…).

Histoires d’amour

Les références historiques, picturales et littéraires ne sont pas le témoignage d’une culture commune, mais dénotent une intention propre d’amener le spectateur à  ouvrir les yeux sur l’Histoire. Le lien avec la littérature, développé chez certains artistes, les conduit à  s’appuyer sur les récits d’amour et les mythes, notamment ceux qui relatent l’expérience de la séduction. Jean-Antoine Raveyre et Agnès Pétri s’attachent à  dépeindre les histoires d’amour, tantôt douces, tantôt cruelles.

‟ Le tableau est pour moi comme une fenêtre. ” C’est ainsi que, en 1435, Leon Battista Alberti introduit son De pictura, une histoire de la peinture qui se confond dans la photographie Coeur, bouche, action et vie (2010), où Jean-Antoine Raveyre reprend l’élément emblématique de la fenêtre comme un paradigme du cadre. L’oeuvre donne la vision d’un mariage dont on ne sait rien excepté l’atmosphère pesante que revêt l’espace clos dans lequel se trouve une femme en robe blanc rosé entachée par les gouttelettes tapissant l’écran d’une vitre.

En outre, dans la fenêtre, cadre dans le cadre renvoyant à  une autre réalité, le sujet apparaît flouté, à  la fois en marge et en dedans de tout scénario. Si l’on considère le contexte d’un événement personnel aussi important dans une vie, on comprend aisément que la mariée soit piégée par son propre bonheur, lui-même travesti par la peur du ‟ grand saut ”, celle d’un engagement préfigurant la naissance à  venir. D’ailleurs, l’oeuvre ne fait-elle pas référence à  la cantate Herz und Mund und Tat und Leben (BWV 147) de Johann Sebastian Bach î signe, également, d’une recherche de rythme et d’harmonie î, créée à  l’occasion de la fête de la Visitation de la Vierge Marie à  Leipzig en 1723 ?

Dans cet art unique et personnel, mais nourri d’influences culturelles, qui découle d’une logique essentielle de composition et de recomposition, Raveyre participe de toute évidence à  une réflexion sur notre propre humanité et, au sens large, sur la création artistique. Le monde enfante en effet sans cesse. De même l’artiste génère-t-il à  la fois l’idée et l’image dans une mise en abîme de sentiments contraires : dans la mélancolie et la joie, l’angoisse et le ravissement.

Dans une deuxième oeuvre, Jean-Antoine Raveyre figure Salomé, faisant de la séductrice l’image même de la femme fatale. L’instigatrice termine sa danse, prête à  demander la tête de Jean-Baptiste. L’étude de la composition, la recherche de l’harmonie colorée, de la lumière et la théâtralisation des modèles suggèrent une volonté picturale.

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Lettres d’amour

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Que penser de la correspondance amoureuse envoyée par mail ou encore des sites de rencontre qui peuvent donner, à  terme, l’illusion d’un bonheur partagé ? Gare au formatage de la missive électronique. Critiquant l’immédiateté de la rencontre sur ces espaces sociaux, les claviers aux touches programmées pour déclarer l’amour ou la haine de Mister Helic sont comme une mise en garde pour la nouvelle génération.

On se souvient également de ‟ I Love you ” comme d’un virus qui contamina près de trois millions d’ordinateurs, à  l’échelle mondiale, en quatre jours. Il circulait sous la forme d’une pièce jointe, se faisant passer pour une lettre d’amour adressée au destinataire du courrier électronique. C’est aussi le titre d’une oeuvre de Jacques Perconte. L’amour virtuel venant altérer le processus de fabrication de l’image traduit un amour réel et bouleversant éprouvé par l’artiste pour une femme.

Absences / Attentes

Face aux sentiments éphémères, surgit l’image du souvenir de l’être disparu ou le fantasme de celui non encore rencontré. Daniel Tillier peint un journal de bord existentiel, montrant les déchirures et les brà»lures ressenties à  la perte de l’être cher. Son souvenir se manifeste comme une présence absorbée par le temps, la vue d’une chaise vide, transcription picturale du disparu et mentalement recomposée.

De même, dans une de ses vidéos, l’artiste suisse Pipilotti Rist traite le thème de l’absence. Debout face à  la caméra, elle fait semblant de jouer de la guitare et chante en play-back You Called me Jacky, de Kevin Coyne (1973). En superposition, les images d’une explosion ou de paysages vus d’un train en mouvement ajoutent une dimension symbolique aux paroles de la chanson qui évoquent l’amour perdu.

‟ Sur une immense toile, elle passait les jours. La nuit, elle venait aux torches la défaire. ” Ces mots d’Homère (L’Odyssée, XXIV) à  propos de Pénélope attendant le retour d’Ulysse conviennent à  Isabelle Jarousse qui, depuis vingt ans, travestit le papier en une étoffe sertie de dessins à  l’encre de Chine. Dans ses productions, le regard s’enfonce dans le noir profond du voile de papier que l’artiste travaille dans l’intimité de l’atelier songeant, peut-être, à  son promis.

Enfin, l’exposition permet de valoriser une des dernières oeuvres acquises par le musée (Le Grand Livre, 2009) de Philippe Favier ainsi que sa série des Betty’s (1989), femme rêvée par l’artiste, à  la fois aimée, désirée, haà¯e et absente. À travers les oeuvres de douze artistes ayant un lien de vie ou de travail avec Rhône-Alpes, le visiteur a la possibilité de découvrir l’amour sous toutes ses coutures.

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